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Titre: Tel que proposé, le délit d'entrave numérique à l'IVG est une proposition dangereuse
Auteur: neurone259
Date: Thu 01 Dec 2016 00:29:57 +0100
Lien: https://www.laquadrature.net/fr/delit-entrave-numerique

Paris, le 1er décembre 2016 — La Quadrature du Net a choisi de publier l'état 
de ses réflexions sur le délit d'entrave numérique à l'interruption volontaire 
de grossesse[1], dont la discussion législative est prévue à l'Assemblée 
nationale à partir du jeudi 1er décembre 2016. Sur ce dossier complexe où 
interfèrent plusieurs droits fondamentaux, il est important de prendre le temps
de mesurer l'impact d'une création d'un nouveau délit tel que proposé par le 
gouvernement et les parlementaires de la majorité présidentielle.

[texte modifié - essentiellement dans sa conclusion - le 1er décembre 2016 à 
15h40]

La question de l'entrave numérique à l'interruption volontaire de grossesse 
s'est posée suite au constat de l'existence de sites Internet, très bien 
référencés dans les moteurs de recherche, qui sont dès lors une source 
d'information pour les personnes cherchant à se renseigner sur l'IVG ou sur la 
conduite à tenir lors d'une grossesse non désirée. Ces sites se donnent pour 
but de freiner le recours à l'IVG chez les femmes qui cherchent de 
l'information. Leur apparence, leur discours, sont dénoncés comme trompeurs.

La Quadrature du Net tient à rappeler que le droit à l'interruption volontaire 
de grossesse est l'une des composantes d'un droit fondamental, le droit au 
respect de la vie privée et familiale. En tant qu'organisation de défense des 
droits humains et de leur exercice effectif, La Quadrature du Net condamne 
toute action visant délibérément à entraver l'exercice de ce droit.

Cela étant rappelé, l'opposition idéologique au droit à l'IVG n'est pas un 
délit en France, et comme toute opinion non délictueuse elle est protégée par 
le droit à la liberté d'opinion, d'expression et d'information.

La Quadrature du Net relève également que dans le cas précis d'une volonté de 
la puissance publique de freiner l'influence de certains sites et groupes 
auprès de la population susceptible de recourir au droit à l'interruption 
volontaire de grossesse, il semble qu'aucune disposition légale actuelle 
touchant au numérique ne corresponde à cette situation.

L'article unique de la proposition de loi souhaite élargir le délit d'entrave à
l'IVG, qui existe déjà mais concerne actuellement des entraves physiques ou 
psychologiques exercées directement auprès des femmes concernées sur les lieux 
physiques de pratique de l'IVG ou de rencontre avec des personnels destinés à 
apporter une aide médicale et psychologique. Cette extension concernerait la 
volonté d'entrave faite : 

  [soit] en diffusant ou en transmettant par tout moyen, notamment par des 
  moyens de communication au public par voie électronique ou de communication 
  au public en ligne, des allégations, indications ou présentations faussées et
  de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur 
  la nature, les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une 
  interruption volontaire de grossesse ou à exercer des pressions 
  psychologiques sur les femmes s’informant sur une interruption volontaire de 
  grossesse ou sur l’entourage de ces dernières.

Cette proposition de loi peut être découpée en deux parties distinctes. 

La première concerne la notion de pression psychologique sur les femmes et leur
entourage en matière d'IVG.

La notion de pression psychologique sur les femmes et leur entourage devrait 
être interprétée strictement, c'est-à-dire par « communication directe adressée
aux femmes ou leur entourage pour faire pression sur elles de façon à les 
dissuader de recourir à l'avortement ». La volonté d'y inclure ce qui relève de
la mise à disposition de contenus sur Internet dont l'accès est volontaire de 
la part de l'utilisateur risque de rendre la notion de pression psychologique 
bien trop extensible et, appliquée éventuellement dans l'avenir à d'autres 
opinions, de devenir une source de dérives importante.

L'autre aspect de la loi concerne la lutte contre les pratiques de 
désinformation, notamment sur Internet, induisant intentionnellement en erreur.

L'inclusion de la simple publication de contenus dans le délit d'entrave 
numérique créerait un précédent d'atteinte à la liberté d'opinion et 
d'expression inacceptable. Le fait que la visibilité de ces contenus soit 
excessive ne peut être corrigé par la création d'un délit, mais relève de la 
mobilisation positive sur Internet en faveur des droits, ou de la lutte contre 
la position dominante de moteurs de recherche et la façon dont ils en abusent. 
La création d'un délit pour mise à disposition de contenus, fussent-ils 
douteux, écoeurants ou opposés à la liberté de choix des personnes, porte 
indiscutablement atteinte à la liberté d'expression. Or, cette dernière n'est 
pas faite uniquement pour ceux avec qui nous sommes d'accord.

Devant cette proposition de loi qui part d'une intention louable (faire 
respecter le droit à l'IVG et l'information qui y est liée) mais qui cherche à 
masquer le manque d'implication du gouvernement et des pouvoirs publics dans la
protection des droits des femmes, La Quadrature du Net ne peut que marquer son 
opposition à l'argumentation juridique employée qui porte atteinte à d'autres 
droits fondamentaux que sont la liberté d'expression et d'opinion. Il serait 
souhaitable que les pouvoirs public renforcent leur soutien et leur implication
dans les structures travaillant avec et pour les personnes ayant recours à 
l'IVG, afin de combattre les atteintes portées aux droits des femmes et des 
autres minorités. Ce serait probablement plus utile que de créer un nouveau 
délit porteur dans son fondement de problèmes juridiques et d'atteinte aux 
droits très lourds, d'autant qu'il existe un arsenal législatif (abus de 
position de faiblesse ou de situation d'ignorance,  article 223-15-2 du code 
pénal[2] … ) largement suffisant mais malheureusement sous-utilisé.

Liens:
[1]: http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4118.asp (lien)
[2]: https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417799&dateTexte=&categorieLien=cid (lien)