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diff --git a/Fabriquer_son_internet_7.txt b/Fabriquer_son_internet_7.txt new file mode 100644 index 0000000..afcb273 --- /dev/null +++ b/Fabriquer_son_internet_7.txt @@ -0,0 +1,191 @@ +Titre: Fabriquer son internet (7) +Auteur: Bruno +Date: Tue 14 May 2013 15:12:19 +0200 +Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2013/05/14/fabriquer-son-internet-7/ + +[image 2][2][Le présent article a été griffonné en live sous vos yeux ébahis +sur un etherpad... Expérience rigolote que je reproduirai probablement] + ------------------------------------------------------------------------------ + +Nous avons vu, dans les épisodes précédents[3], comment fabriquer un bout +d’internet local et comment se relier aux autres opérateurs du réseau. Nous +avons laissé de côté toute la partie transmission entre les deux blocs, restant +appuyés sur ce qui se fait de plus courant et bon marché : l’ADSL. + +C’est aussi le seul morceau de notre réseau qui n’est pas sous notre entier +contrôle. Sur de très longues distances (comprendre plus de 50/100km) , il est +d’ailleurs probable qu’il ne le soit jamais, mais ce n’est pas gravissime. + +Le gros problème de l’ADSL, c’est son A comme asymétrique. Retour sur le +pourquoi du comment, même si j’ai déjà abordé le sujet. Lorsque les +technologies DSL ont débarqué, il a fallu choisir où positionner le curseur +séparant le download de l’upload. Si on oublie le (récent) VDSL et qu’on +souhaite obtenir un débit symétrique, on est limité à 2Mbps par ligne. C’est le +SDSL. Mais en rognant sur l’upload et en allouant une bande de fréquence plus +grande au download, on peut obtenir du 1/20. Curieuses lois de la physique. + +Une simple constatation a suffi à l’époque : les gens tirent plus sur le réseau +qu’ils n’y envoient d’informations. Le choix a donc été fait de privilégier +l’ADSL au SDSL, cantonant ce dernier aux usages professionnels, assortis de +garanties diverses et variées donnant un tarif final pour le client beaucoup +plus élevé (dans l’absolu, un lien SDSL ne coûte pas plus cher à produire qu’un +lien ADSL). + +Voici le pourquoi du comment on se retrouve aujourd’hui avec un pauvre megabit +par seconde en upload chez nous. Si cet état de fait n’est absolument pas +bloquant pour un usage personnel voire familial, lorsqu’on se retrouve à 5, 10 +ou 50 utilisateurs distincts derrière une liaison qui n’a qu’un seul megabit +par seconde de débit montant, on souffre. Beaucoup. + +Notre petit FAI local desservant Tatie Martine sera parfait tant qu’on se +cantonnera à quelques utilisateurs, mais passé une dizaine, ça va devenir +pénible aux heures de pointe, et encore pire si on a expliqué aux gens qu’ils +pouvaient héberger leur blog sur leur machine dans leur salon ou se faire une +soirée petits chats en HD sur youtube. Alors comment faire pour résoudre à la +fois le problème de débit montant, et pourquoi pas, par la même occasion, le +problème de « qui gère ma collecte de données entre mon réseau local et mes +connexions vers le reste d’internet ? », ou au moins une partie. + +Si vous avez l’âme d’un hacker, vous vous êtes probablement déjà posé la +question suivante : « si on sait faire un ADSL 1Mbps <>> 20Mbps, il suffit +d’emmener mon modem au NRA et de prendre celui du NRA chez moi pour avoir +20Mbps <>> 1Mbps. En mettant deux lignes ensemble, j’aurai donc 21Mbps <>> +21Mbps ». Techniquement, c’est tout à fait réalisable et ça a d’ailleurs déjà +été fait. Dans la pratique, « retourner » une connexion ADSL crée des +perturbations sur les lignes voisines. C’est d’ailleurs le principal frein à +l’adoption du VDSL : proposer plus de débit aux gens proches du NRA, c’est +bien, mais si c’est au détriment de ceux, plus éloignés, qui galèrent déjà, +c’est moins rigolo. + +Revenons donc aux choses faisables, puisque le coup de retourner de l’ADSL +n’est pas autorisé par l’ARCEP. + +Dans un premier temps, il est possible d’envisager d’associer plusieurs liens +ADSL. Pour comprendre le principe, il faut débarrasser votre esprit de +l’abonnement ADSL que vous connaissez et l’envisager comme un simple câble +reliant deux switchs. Dans un réseau local, si vos switchs sont un minimum +évolués, lorsqu’un câble ne suffit plus pour transporter tous les flux, vous +pouvez en rajouter un second et expliquer aux switchs que ces deux liens +physiques ne forment qu’un seul lien virtuel. C’est le principe du trunk. + +Ce principe n’est évidemment pas proposé par les opérateurs grand public sur +l’ADSL. On le trouve par contre sur le SDSL, ce qui permet d’agréger plusieurs +liens de 2Mbps symétriques, mais toujours à un coût inabordable. Et comme les +choses sont bien faites et que nous maîtrisons déjà la machine qui sert à +recevoir les liens (le LNS), nous pouvons donc considérer l’ADSL presque comme +un vulgaire câble. Le trunk de plusieurs liens ADSL est tout à fait réalisable, +même si les logiciels pour le faire, coté LNS, ne sont pas encore tout à fait +prêts, les membres de la fédération FDN, dont un particulièrement actif +du côté de Sames, travaillent le sujet. + +Mais ça reste un palliatif le problème se posera à nouveau avec le double +d’utilisateurs, et continuer à empiler des modems ADSL n’est pas une solution +valable à long terme. La question est donc de savoir où trouver un endroit qui +nous permettra de relier nos utilisateurs à notre cœur de réseau et quel type +de transport utiliser. + +On pense d’emblée à la fibre, et d’emblée on se dit « c’est trop cher », on +imagine des pelleteuses, de gros engins de chantier, des centaines d’ouvriers +et un chèque avec un nombre de zéros inavouable. + +Oui, mais non. Enfin, si, évidemment, si vous prenez votre pelle pour creuser +depuis Paris jusqu’en Corrèze, ça va coûter très cher ou bien prendre beaucoup +de temps, et même probablement les deux. Et en plus, c’est idiot. De la fibre, +il y en a déjà partout. + +Nous allons prendre un exemple pas trop loin de chez moi, au cœur de la +Bourgogne à Dijon. Il n’y a pas de fibre, dans le sens où personne ne peut +s’abonner à la fibre par l’agrume. Mais sinon, il y a un tas de fibres, dont +une partie arrive 41 quai Gauthey. Comment je le sais ? C’est marqué sur le +site de l’exploitant des lieux : la societé Cogent. Il s’agit d’un opérateur +réseau qui fait aussi de l’hébergement d’infrastructure. Ils ont accessoirement +un réseau national qui relie toutes leurs salles. Et quand on téléphone à ces +gens là, on obtient assez facilement un devis. Pour faire Dijon – Paris, à +100Mbps symétriques, ça va vous coûter autour de 400 euros par mois. + +Ce n’est évidemment pas donné comme les 30 euros par mois de la fibre de +monsieur SFR, mais on est loin des 2 euros le mètre de fibre le long de +l’autoroute, et 100Mbps symétriques, ça peut permettre d’alimenter au moins une +centaine d’abonnés, sinon plus. 100 abonnés, payant chacun 30 euros par mois, +ça fait 3000 euros par mois. 400 euros de transport représente donc un poil +plus de 10%, reste pas mal de blé pour faire des choses sympathiques à côté +(transit, hébergement d’infrastructure, amortissement rapide du réseau +wireless, baisse du prix pour les abonnés les moins fortunés…). + +Et en prime, cette liaison, ce n’est plus de l’ADSL avec des modems, des trucs +à configurer, des LNS à avoir. Non, c’est un vrai point à point, comme un câble +ethernet entre deux switchs. D’un coup, votre infrastructure se simplifie +drastiquement. Et le jour où 100Mbps sont insuffisants, un petit coup de fil à +l’opérateur, et votre débit passe à 200, 500 ou 1Gbps, et les coûts au Mbps +baissent avec le volume qui augmente. + +Vous me direz : « oui, mais moi, j’habite pas à Dijon, et dans mon coin, il n’y +a pas de datacenter qui propose des liaisons vers Paris ou Lyon ou +Tataouine-Les-Bains, donc je suis marron ». + +Non, vous n’êtes pas marron, ça va juste vous coûter un peu plus cher. + +Parce qu’aujourd’hui, Orange fait la fine bouche en disant « ouiii mais ça +coûte cheeeer de fibrer tout le mooooonde ». Évidemment, quand on va vendre 30 +€ / mois / client, et qu’on n’a aucune idée du nombre de clients qui vont +signer, il faut réfléchir à comment on dépense son pognon. Mais dans notre cas, +nous ne sommes pas à la recherche d’une connexion fibre à 30 € / mois pour y +coller tous nos utilisateurs, nous savons déjà combien ils sont, ce qu’ils +paient et on cherche juste un lien point à point vers notre cœur de réseau. + +Alors, on peut parfaitement téléphoner à monsieur Orange et demander la +division opérateur pour obtenir une fibre. Oui : PRESQUE-OÙ-ON-VEUT. + +Ça va juste avoir un coût : dans les 5000 € pour son installation et un peu +plus de 1200 € / mois par la suite (offres CE-LAN ou CE2O). Notez que si on +reprend les 3000 € de chiffre d’affaire dont on parlait plus haut, ça n’a rien +d’inabordable, surtout si on compare ça au coût d’une ligne ADSL par +utilisateur ou même pour deux ou trois utilisateurs (de 800 à 2500 €, sur une +base de 100 utilisateurs). + +Et même mieux, si on parvient à embarquer avec soi quelques entreprises, par +exemple dans une zone industrielle délaissée, isolée au milieu d’un joli +plateau campagnard, les entreprises de la zone peuvent prendre en charge ce +coût, quasi marginal à l’échelle d’une entreprise, même petite) et en faire +bénéficier les habitants autour. + +Et une fois que vous avez votre fibre, chez Orange ou n’importe quel autre, +livrée à un point A, il vous suffit de lui mettre une antenne aux fesses pour y +relier tous vos utilisateurs de la même façon qu’ils étaient reliés via l’ADSL +avant. + +Ces deux solutions existent parmi une quasi infinité d’autres. Il faut juste +garder à l’esprit qu’elles sont presque toutes spécifiques et souvent +dépendantes du lieu et des opportunités. Les grands plans nationaux de montée +en débit sont donc à ranger définitivement au placard pour s’intéresser à ce +qui peut et doit être fait localement. Par exemple, une ville comme Dijon qui +dispose déjà d’un réseau optique desservant toutes les installations de la +collectivité devrait ouvrir ce réseaux aux initiatives locales pour éviter +d’avoir à déployer des installations wireless et passer directement à la fibre +là où c’est possible. + +Malheureusement, le do-it-yourself n’a pas encore assez creusé son trou pour +que nos personnalités politiques jugent ce genre d’initiative pertinent, alors +qu’elles sont probablement les seules à être valables, à court comme à long +terme. + +Vous me direz, si vous avez bien tout suivi, que les solutions en question ne +vous rendent pas indépendant pour autant. Dans un sens, c’est vrai : le support +qui transporte les données des utilisateurs entre votre réseau wireless local +et votre cœur de réseau connecté à internet est toujours la propriété d’un +autre, mais à la grande différence de l’ADSL, vous bénéficiez ici d’un support +réservé au monde des opérateurs avec des garanties fortes en terme de délais de +rétablissement, un vrai support en cas d’incident et une souplesse +d’utilisation incomparable vous permettant d’imaginer des infrastructures avec +des VLAN ou même du MPLS et une flexibilité d’upgrade rapide et sans +modification de l’existant. + +Dans le prochain épisode, on fera un peu de promenade campagnarde et d’étude +des topologies wireless[4] pour bien penser dès le début son réseau, histoire +de ne pas se retrouver coincé par la suite. + +Liens: +[1]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2010/10/20101010-gaine-aerienne-e1286710202658.jpg (lien) +[2]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2010/10/20101010-gaine-aerienne-e1286710202658-300x224.jpg (image) +[3]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/2013/03/20/fabriquer-son-internet/ (lien) +[4]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/2013/07/23/fabriquer-son-internet-8/ (lien) |