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authorneodarz <neodarz@neodarz.net>2017-03-10 11:58:22 +0100
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+Titre: État d'urgence : quinquies repetita !
+Auteur: neurone259
+Date: Tue 13 Dec 2016 15:10:24 +0100
+Lien: https://www.laquadrature.net/fr/etat-urgence-same-player-play-again
+
+Mise à jour du 10 janvier 2017 : Le Sénat a aussi adopté l'extension de l'état
+d'urgence. Le texte est disponible sur Légifrance[1].
+
+Mise à jour du 14 décembre 2016 : L'Assemblée Nationale a adopté hier
+l’extension de l'état d'urgence jusqu'en Juillet 2017. Jeudi 15 décembre, c'est
+au tour du Sénat de se prononcer.
+
+Paris, 13 décembre 2016 — L'Assemblée nationale et le Sénat s'apprêtent à
+prolonger, pour la cinquième fois consécutive, l'état d'urgence instauré en
+France le 13 novembre 2015, il y a plus d'un an. Le gouvernement de Bernard
+Cazeneuve demande une prolongation jusqu'au 15 juillet 2017, sans aucune
+garantie qu'à cette date l'état d'urgence soit enfin arrêté. La France
+s'installe dans un état de suspension des droits permanent, et donc dans une
+régression des libertés fondamentales qui devient, jour après jour, de plus en
+plus difficile à enrayer. La Quadrature du Net appelle les parlementaires à
+refuser cette prolongation et à revenir, dans cette période d'élections
+cruciales, à l'État de droit et au respect des droits et libertés.
+
+L'état d'urgence permanent
+[image 2]
+
+Comme nous en avions souligné le risque dès sa première instauration[3], l'état
+d'urgence devient un mode de gouvernement permanent dérogatoire à l'État de
+droit. La persistance d'une menace ne saurait le justifier. L'article 3 de la
+loi n°55-385 du 3 avril 1955[4] affirme : « La loi autorisant la prorogation
+au-delà de douze jours de l'état d'urgence fixe sa durée définitive. » Or voilà
+la cinquième prolongation au-delà de ce terme « définitif ». Le gouvernement et
+ceux qui soutiennent cet état d'urgence permanent entendent accoutumer chacun à
+un affaiblissement des libertés, ce qui est une déplorable victoire de ceux qui
+les menacent par la violence.
+
+État d'urgence inadapté à la lutte antiterroriste
+
+Depuis le 13 novembre 2015, de nombreux rapports[5], recensements[6], articles[7]
+et analyses[8], de même que les décisions successives du Conseil
+constitutionnel[9] et du Conseil d'État[10] sur les assignations à résidence et
+les perquisitions administratives, ont montré à quel point l'état d'urgence est
+inefficace sur le plan de la lutte antiterroriste immédiate ou de la baisse
+d'intensité de la menace à long terme. Il apparaît que l'état d'urgence sert
+essentiellement à collecter du renseignement et à mettre sous scellés
+l'existence de personnes dont on ne sait que faire.
+
+Dominique Raimbourg, président de la Commission des Lois et de la commission de
+contrôle parlementaire de l'état d'urgence souligne lui-même, le 6 décembre
+2016, la faiblesse de l'apport de l'état d'urgence dans l'ouverture de
+procédures judiciaires liées au terrorisme.
+
+État d'urgence détourné de sa présentation comme outil antiterroriste
+
+En outre, il a été prouvé et reconnu que l'état d'urgence ne sert pas
+uniquement à lutter contre le risque terroriste, par le fait qu'il n'oblige en
+rien à ce que les mesures prises soient en lien avec la menace terroriste. Son
+utilisation en tant qu'outil de contrôle social, sécuritaire et politique, se
+fait donc en dérogation assumée à la Convention[11] européenne des droits de
+l'homme depuis plus d'un an sans que la réaction des parlementaires français ne
+soit assez forte pour empêcher ce glissement. Pourtant c'est bien cela que
+dénonce la commission de contrôle parlementaire dans son rapport d'information[12]
+publié le 6 décembre dernier. Les parlementaires constatent « qu'une très
+grande majorité d'arrêtés ne visent pas de circonstances particulières » et ne
+relèvent donc « plus d'une logique d'urgence et d’exception mais, en fait, se
+substituent aux mesures de droit commun ». L'usage massif de mesures
+d'interdiction de séjour pendant les mois de mobilisation contre la loi travail
+et les assignations à résidence pendant de grand événements tels que la COP21
+en novembre dernier nous le montre bien.
+
+État d'urgence dangereux pour les droits fondamentaux
+
+L'état d'urgence a été instauré il y a maintenant plus d'un an, le 13 novembre
+2015. Par la suspension des droits fondamentaux qu'il permet, l'état d'urgence
+ne peut être considéré comme une simple mesure destinée à rassurer les foules
+sur la préoccupation des services de l'État dans la lutte antiterroriste. Si
+une grande part de la population ne semble pas voir dans son quotidien les
+effets immédiats de cette situation, les personnes visées en raison de leur
+religion, de leur quartier d'habitation, de leurs fréquentations ou de toute
+autre raison discrétionnaire de mise sous surveillance par les services de
+police et de renseignement voient, depuis plus d'un an, les effets délétères de
+cette mise hors du champ des libertés fondamentales qui font le socle de notre
+justice et de notre démocratie.
+
+La police administrative a un objectif préventif : à partir d'une série
+d'indices elle se projette dans l'avenir pour évaluer les risques de désordre
+de situations générales et impersonnelles pour la sécurité publique
+(manifestations, événements, mendicité etc.). Or ses missions dans le cadre de
+l'état d'urgence se basent sur la suspicion de comportements individuels : « Je
+vous assigne pour le trouble à l'ordre public que vous pourriez commettre »1[13]
+. La loi d'état d'urgence telle que modifiée par la loi du 20 novembre 2015
+formalise la possibilité qu'ont les préfets et le ministre de l'Intérieur
+d'effectuer une telle divination de la dangerosité individuelle pour prévenir
+la commission d'actes futurs. Pour cela les décisions administratives se
+fondent sur une parfaite subjectivité renforçant la discrimination injustifiée
+de certains groupes de populations déjà fortement stigmatisés. En février 2016,
+le Défenseur des Droits[14], mettait déjà en garde les services de l'État
+contre un « effet délétère » pouvant gravement compromettre la cohésion
+sociale.
+
+Une 5e prolongation qui ne règle pas les problèmes déjà soulevés depuis un an
+
+Le projet de loi présenté à l'Assemblée nationale et au Sénat cette semaine ne
+répond en rien aux différentes inquiétudes répétées depuis un an non seulement
+par les organisations de défense des droits fondamentaux, mais également de
+plus en plus par des magistrats, des parlementaires et même visibles dans les
+réflexions publiques du vice-président du Conseil d'État[15].
+
+ * Le projet de loi ne donne aucune limite de fin de l'état d'urgence,
+ permettant son renouvellement sans contrainte après le 15 juillet et
+ prolongeant l'état d'urgence bien au-delà des seules élections
+ présidentielles ou législatives : deviendra-t-il impossible de vivre un
+ seul événement d'ampleur nationale dans ce pays sans être sous état
+ d'urgence ? Après les élections régionales et la COP21 en décembre 2015,
+ l'Euro de Football en juin 2016 a servi également de prétexte à des
+ renouvellements de l'état d'urgence. Aujourd'hui ce sont les élections. En
+ juillet 2017 quel sera l'argument employé pour prolonger encore l'état
+ d'exception ? Nul doute qu'il y aura toujours une « bonne raison » pour
+ contourner l'État de droit. Nous l'expérimentons déjà en France avec le
+ plan vigipirate, appliqué presque sans discontinuer depuis 1995.
+ * Le projet de loi ne répond pas aux interrogations de plus en plus massives
+ concernant les assignations à résidence qui s'éternisent, sur 95 personnes
+ assignées à résidence aujourd'hui, 56 l'étaient déjà lors de la dernière
+ prolongation en juillet et parmi elles 47 font l'objet d'une assignation à
+ résidence depuis novembre 2015.2[16] À ce stade il n'est plus possible de
+ parler de « restriction », il s'agit bien d'une « privation » d'une liberté
+ fondamentale qu'est la liberté d'aller et venir. Même le Conseil d'État,
+ dans son avis pourtant tiède[17] préalable à ce projet de loi, a souligné
+ que ces assignations interminables étaient très attentatoires aux droits
+ fondamentaux. Il préconisait une assignation maximale de 12 mois
+ consécutifs et la mission de suivi parlementaire recommandait dans son
+ rapport du 6 décembre une limitation à 8 mois. Mais le gouvernement a
+ choisi de porter cette mesure à 15 mois consécutifs, et de laisser toute
+ liberté de reprendre ou de poursuivre une assignation à résidence dès que
+ des « éléments nouveaux » apparaîtraient. Ces éléments étant toujours
+ constitués principalement de notes blanches des services de renseignement,
+ donc sans contradiction possible puisque non signées et non étayées,
+ l'hypocrisie est totale[18].
+ * Le projet de loi du gouvernement n'intègre en rien la décision du Conseil
+ constitutionnel du 2 décembre dernier qui censurait le régime de
+ conservation des données saisies lors d'une perquisition informatique. Le
+ Conseil constitutionnel a jugé non conforme[19] l'absence de limitation de
+ la durée de conservation des données saisies lors d'une perquisition
+ informatique mais pour lesquelles aucune infraction n'a été constatée : «le
+ législateur n'a, en ce qui concerne la conservation de ces données, pas
+ prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée
+ entre le droit au respect de la vie privée et l'objectif de valeur
+ constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ». Mais cette censure
+ n'étant effective qu'à compter du 1er mars, le gouvernement n'a pas jugé
+ utile de rendre conforme son texte à la constitution.
+ * Le projet de loi ne tient plus compte des mesures déjà présentes dans le
+ droit commun. Lorsque le 26 février 2016, l'état d'urgence a été prolongé
+ pour la seconde fois, ce fût seulement pour trois mois car - désireux dans
+ ses discours de l'époque de ne pas faire penser qu'il voulait mettre les
+ libertés fondamentales entre parenthèse pour une durée indéterminée - le
+ gouvernement conditionnait la fin de ce régime d'exception à l'intégration
+ de certaines de ces mesures dans le droit commun. Le projet de réforme
+ pénale avait donc été conçu pour « prendre le relais » de l'état d'urgence,
+ et il a été voté, en procédure accélérée et en installant dans le droit
+ commun plusieurs mesures directement issues de l'état d'urgence, notamment
+ sur les mesures d'assignation à résidence des personnes revenant d'un
+ déplacement à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités
+ terroristes ou d'un théâtre d'opérations de groupements terroristes.
+
+ En même temps, plusieurs outils et compétences offerts aux services de
+ renseignement par la loi Renseignement votée en 2015 ont été largement
+ étendus aux services de police, de même que la 4e prolongation de l'état
+ d'urgence en juillet 2016[20] a été l'occasion d'élargir significativement
+ la loi Renseignement. Enfin on apprend à la fin du dernier avis du Conseil
+ d'État[21] daté du 8 décembre qu'une énième loi sécuritaire - appelée « loi
+ sur la sécurité publique » est en préparation et devrait passer
+ prochainement devant le Parlement. L'articulation entre l'extension
+ indéfinie de l'état d'urgence et la multiplication de lois sécuritaires
+ (qui ne traitent jamais uniquement de terrorisme mais durcissent le droit
+ commun pour de nombreuses autres infractions) pousse à un durcissement
+ important de notre législation, sans que le temps soit pris pour une
+ réflexion de fond sur ce que peuvent et doivent être les mesures de lutte
+ antiterroriste dans une société démocratique qui fait face à un danger qui
+ s'annonce pérenne.
+
+Malgré les nombreuses inquiétudes et mises en garde émises à la fois au sein de
+leurs rangs et par d'autres organes, le troupeau des députés et sénateurs
+continuera-t-il de nous mener vers un état d'urgence permanent ? Ont-il
+réellement une vision à long terme du régime qu'ils veulent pour la France ? Se
+borneront-ils encore à voter en fonction de l'émotion ambiante accentuée par
+les discours anxiogènes du gouvernement ? Ces députés et sénateurs qui voteront
+cette cinquième prolongation de l'état d'urgence et probablement dans les
+semaines à venir une nouvelle loi sécuritaire s'engagent à pérenniser et à
+inscrire encore plus profondément dans le quotidien des français un régime
+d'exception qui par sa nature même porte atteinte aux droits fondamentaux. La
+Quadrature du Net les engage au contraire à prendre leurs responsabilités et le
+temps d'une réelle réflexion sur les impacts à long terme de cette politique
+visant à abattre peu à peu tous les gardes-fous qui font un État de droit.
+
+ * 1.[22] Cassia, Paul 2016 : Contre l'état d'urgence, Dalloz, p.75
+ * 2.[23] Voir la présentation du rapport de la Commission de contrôle de
+ l'état d'urgence le 6 décembre 2016 par Dominique Raimbourg :
+ http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4495481_5846d7a391972?timecode=5317000#[24]
+
+
+Liens:
+[1]: https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033651975&categorieLien=id (lien)
+[2]: https://www.laquadrature.net/files/tau d'urgence.jpg (image)
+[3]: https://www.laquadrature.net/fr/etat-urgence-etat-policier (lien)
+[4]: https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000695350#LEGIARTI000006404784 (lien)
+[5]: https://www.laquadrature.net//files/Analyse_regime_juridique_etat_urgence.pdf (lien)
+[6]: https://wiki.laquadrature.net/%C3%89tat_urgence/Recensement (lien)
+[7]: http://assembly.coe.int/nw/xml/News/News-View-FR.asp?newsid=6004&lang=1&cat=8 (lien)
+[8]: https://wiki.laquadrature.net/%C3%89tat_urgence/Analyse (lien)
+[9]: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2016-536-qpc/communique-de-presse.146992.html (lien)
+[10]: http://www.conseil-etat.fr/Decisions-Avis-Publications/Decisions/Selection-des-decisions-faisant-l-objet-d-une-communication-particuliere/Ordonnance-du-22-janvier-2016-M.-B (lien)
+[11]: http://www.echr.coe.int/documents/fs_derogation_fra.pdf (lien)
+[12]: http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/14/rap-info/i4281/(index)/depots (lien)
+[13]: https://www.laquadrature.net/fr/rss.xml#footnote1_srpg8w1 (lien)
+[14]: http://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/note_conference_de_presse_etat_durgence.pdf (lien)
+[15]: http://abonnes.lemonde.fr/police-justice/article/2016/11/18/jean-marc-sauve-l-etat-d-urgence-est-un-etat-de-crise-qui-ne-peut-etre-renouvele-indefiniment_5033308_1653578.html (lien)
+[16]: https://www.laquadrature.net/fr/rss.xml#footnote2_idiq74l (lien)
+[17]: http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/projets/pl4295-ace.pdf (lien)
+[18]: http://www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/4295/CION_LOIS/CL13.asp (lien)
+[19]: http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2016/2016-600-qpc/decision-n-2016-600-qpc-du-2-decembre-2016.148276.html (lien)
+[20]: https://www.laquadrature.net/fr/etat-d-urgence-surenchere-dans-la-surveillance-de-masse (lien)
+[21]: https://www.laquadrature.net/files/20161208_Avis_Conseil_Etat_5prolongation_Etat_Urgence.pdf (lien)
+[22]: https://www.laquadrature.net/fr/rss.xml#footnoteref1_srpg8w1 (lien)
+[23]: https://www.laquadrature.net/fr/rss.xml#footnoteref2_idiq74l (lien)
+[24]: http://videos.assemblee-nationale.fr/video.4495481_5846d7a391972?timecode=5317000# (lien)