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Titre: Être candidat aux européennes ?
Auteur: Benjamin Bayart
Date: Thu 13 Mar 2014 23:05:00 +0100
Lien: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes

La question n'est pas récente. Elle est même plutôt ancienne, en vrai. La 
première fois qu'on m'en a parlé, c'était pendant la bataille Hadopi. On 
sortait de je-ne-sais-plus quelle causerie autour du sujet, et on était en 
train de prendre un pot. C'est Fred Neau, à l'époque responsable du numérique 
pour les Verts Paris, qui avait lancé l'idée. D'abord de me voir 
député-tout-court (donc à l'Assemblée Nationale), puis, parce que je me 
proclamais incapable des coups-bas que demande une campagne sur un scrutin 
uninominal, de lancer d'accord, mais aux européennes, ça pourrait.

Depuis, le paysage politique s'est dramatiquement assombri. En particulier, sur
les sujets qui me préoccupent et où je suis compétent, c'est-à-dire sur tout ce
qui touche au numérique. Le PS au pouvoir s'est montré à peu près aussi mauvais
que l'UMP. Et avec des conséquences que je pense graves (j'y reviendrai). Bref,
je résume, le paysage politique continue de pourrir, comme l'explique Eric 
Walter, le secrétaire général de la Hadopi dans un billet de blog[1].

Le changement récent, c'est la création d'un machin qui s'appelle Nouvelle 
Donne[2], et qui se targue de vouloir faire de la politique autrement. J'ai 
découvert quand Isabelle Attard les a rejoints. Depuis, l'idée me tourne dans 
la tête. Tout comme Eric Walter, je ne me sens plus capable de voter pour aucun
des partis usuels, ils sont vraiment tous trop... Je ne sais même pas quoi 
dire... Ils font n'importe quoi, effrontément, et supposent béatement que 
personne ne verra rien.

Numérique, crise, polycrise, et analyse de contexte.

Le mot Polycrise, je l'ai piqué dans un bouquin de Michel Rocard. Il l'a 
lui-même piqué à quelqu'un d'autre, mais je ne sais plus qui. Il désigne le 
fait que trois crises majeures, qui chacune pourrait bouleverser une quantité 
incroyable de choses, sont en train de se produire en même temps.

La première, c'est l'explosion à répétition de la finance hors de contrôle. Le 
dernier cas similaire connu, c'est celui de 1929, qui se traduit par des 
politiques d'austérité dans toute l'Europe. Ces politiques poussent à la montée
des extrêmes dans toute l'Europe, jusqu'à la prise du pouvoir par les fascistes
en Italie, les franquistes en Espagne, et les nazis en Allemagne. Regardez 
bien, on est pile sur cette pente là, et pile dans le timing. Pardon ? Ah oui, 
la gauche est au pouvoir en France. Oui. Tout juste. En 1936, 3 ans avant la 
guerre, ça s'appelait le Front Populaire.

La seconde crise, c'est la fin des énergies fossiles. Pour le pétrole, le 
déclin est commencé, on ne peut pas en produire vraiment plus, et on va même 
être contraint d'en produire progressivement de moins en moins, et de plus en 
plus cher. La totalité de notre économie repose sur le postulat que l'énergie 
ne coûte presque rien. Et, comme le montre très bien JM Jancovici dans ses 
différentes conférences, le PIB est directement indexé sur la production 
d'énergie. Retrouver de la croissance sans trouver une source d'énergie bon 
marché et non-polluante, c'est impossible. Cette crise-là aussi, sera majeure.

La troisième crise, c'est l'avènement du numérique et d'Internet. Je l'ai 
expliqué dans assez de conférences, allez voir en ligne[3]. La société change. 
Vite. Beaucoup. Ce changement de société peut se passer relativement en 
douceur. Ou pas. Le précédent qui vient en tête, c'est l'apparition de 
l'imprimerie, qui s'est traduit par le protestantisme d'une part (et donc le 
bain de sang des guerres de religion dans toute l'Europe) puis par les Lumières
et la Révolution Française ensuite (pas mal sanguinolente aussi).

Ces trois changements majeurs ont lieu, peu ou prou, en même temps. Et tous les
trois peuvent nous amener dans le mur. Et aucun de nos politiques n'en parle 
sérieusement.

Mon approche initiale

Après que j'ai appris qu'Isabelle Attard avait rejoint Nouvelle Donne, j'ai 
commencé à regarder ce que c'était. Bon, trop jeune, mais quelques idées 
intéressantes, dont celle de faire de la politique d'une façon qui pourrait me 
convenir. Pas trop d'accord avec leur programme économique, qui me semble 
simpliste bien que je ne sois pas un spécialiste du sujet. Mais deux 
fondamentaux évidents sont là : la recherche de la croissance à l'ancienne est 
une illusion, et la politique d'austérité telle qu'elle est menée est idiote. 
Après avoir vu Françoise Castex, députée européenne que je respecte pour son 
travail sur les sujets du numérique, et ses positions (par exemple) contre 
ACTA, quitter le PS pour Nouvelle Donne, j'ai recommencé à y penser. Et à me 
dire que c'était peut-être la meilleure nouvelle dans le paysage politique 
depuis longtemps. Et d'autres amis de recommencer à me pousser, à me dire que 
je devrais être candidat à des élections européennes^[1[4]].

En y réfléchissant, j'arrivais à ça : être sur une queue de liste^[2[5]], et 
donc devenir marqué politiquement, c'est sacrifier la légitimité que j'ai 
(chèrement) acquise sur tous ces sujets, pour n'avoir rien en échange. Pas plus
d'écoute, pas plus de capacité d'expliquer à des politiques toujours sourds. 
Bref, ce serait sacrifier l'utilité que je peux avoir en échange de... rien. 
Être député européen, ça pourrait, éventuellement avoir un sens, mais c'est 
impossible à atteindre.

Puis, lors d'une visite à Bruxelles (j'allais expliquer la neutralité du Net à 
des assistants parlementaires du groupe ALDE, pour prêter main forte à 
l'analyste juridique de la Quadrature), je me retrouve, alors que ce n'était 
pas prévu à l'agenda initial, à boire quelques bières avec l'assistant 
parlementaire de Castex. Et lui m'explique clairement qu'il manque un pilier 
numérique à Nouvelle Donne, et que je devrais me présenter aux européennes, que
ça lui semble évident que je pourrais être tête de liste, et qu'en gros, ils 
pourraient bien adopter un programme sur le numérique que j'aurais écrit en 
très grande partie. Bref, que tout ça pourrait avoir un sens.

La question change alors tout d'un coup. Je pensais que je n'obtiendrais au 
mieux qu'une place inutile en fin de liste. Mais là on me parle d'être 
peut-être à la tête d'une liste (y'a une procédure à suivre et tout ça, mais au
moins ce n'est pas exclu), donc d'avoir une vraie chance pas complètement nulle
de me retrouver député européen, et donc d'aller mettre du numérique partout 
dans le parlement européen...

La gamberge

Du coup, je prends rendez-vous avec Isabelle Attard, qui est membre du bureau 
national de Nouvelle Donne, et je commence à gamberger sur le sujet. Je me 
dresse une liste des points négatifs, il y en a une quantité invraisemblable. 
Je me dresse une liste des points positifs, il y en a 2-3 importants.

Dans les points négatifs, en vrac, c'est pas mon boulot, je n'aime pas 
travailler en anglais^[3[6]], je vais perdre tout le crédit que j'avais obtenu 
pour défendre les associations, je vais foutre mon patron dans la merde^[4[7]],
je ne serai plus écouté en France, étant marqué politiquement, de toutes façons
je ne serai pas élu, et même si j'étais élu, c'est pas moi tout seul qui 
bougerai le Parlement Européen, et de toutes façons c'est la Commission qui 
bloque autant qu'elle peut.

Dans les points positifs, il y a le fait que je ne peux pas me plaindre de la 
politique menée, et refuser de participer quand on me le propose. Il y a que 
Snowden a montré avec raison que nos gouvernements luttent contre nous, et 
qu'on ne peut pas laisser passer. Il y a que, quand on veut que quelque chose 
avance, il faut le faire, au lieu d'en parler.

Comme tout libriste habitué, en pareil cas, je lis. Tout ce que je trouve comme
documents sur le fonctionnement interne de Nouvelle Donne, ce que publie le 
ministère de l'Intérieur sur l'organisation des élections. Les règles pour être
candidat, le financement de tout ce merdier, le mode de scrutin, etc. Et je 
passe des coups de fil, à pas mal de gens que je pense pouvoir être de bon 
conseil. À peu près tous me disent la même chose. Si j'ai une chance d'être 
élu, c'est-à-dire si je suis tête de liste, je devrais y aller.

Alors voilà. Après mûre réflexion^[5[8]], les points négatifs, bon, ils sont 
négatifs. Mais je ne peux pas râler si je n'ai pas essayé de faire.

Du coup, j'en suis à poser le scénario type :

  * Si je me porte candidat à la candidature, il y a toutes les chances pour 
    que je ne sois pas désigné, ou seulement loin sur la liste, et donc avec 
    aucune chance d'être élu. En pareil cas, je retire ma candidature, c'est 
    idiot de sacrifier un acquis pour rien.
  * Si par mégarde j'étais placé en tête de liste, alors, il y a un trou noir. 
    Plus moyen de reculer, bien entendu. Trop tard pour avoir peur. Il faut que
    je fasse campagne, sérieusement, pendant deux mois. Et donc que je vive 
    sans salaire. J'ai beau avoir un très joli salaire, je n'ai pas un sou de 
    côté. Mettons, je fais clodo pendant deux mois. Normalement, je ne suis pas
    élu, et je peux retourner au travail. J'ai sacrifié 15 ans de vie 
    associative, mais au moins j'aurais essayé de faire quelque chose.
  * Si jamais je suis élu, alors là c'est la catastrophe. Mais ça devient 
    passionnant. J'ai 5 ans pour essayer de faire bouger quelque chose, en 
    espérant que l'Europe ne soit pas à feu et à sang avant ça.

Et là, je ne sais pas. J'y vais ? J'y vais pas ?

Notes

[1[9]] Je ne compte même plus les membres du parti pirate qui m'ont dit ça. 
Pour que je sois candidat chez eux, bien entendu.

[2[10]] Pour ceux qui ne savent pas, les Européennes, c'est un scrutin de 
liste. Dans chaque euro-région, chaque liste obtient un nombre de députés 
proportionnel au nombre de voix obtenues. C'est suffisamment bricolé pour 
évacuer les petits partis, en segmentant en 8 grandes régions au lieu de faire 
un scrutin national, mais encore un petit peu ouvert contrairement aux autres 
scrutins en France. Pour que le premier candidat de la liste soit élu, il faut 
faire entre 5% pour les régions les plus favorables (Île de France, 13 députés)
et 18% pour les régions les plus hostiles (centre-auvergne, 5 députés).

[3[11]] I do speak enough of broken english to work with people from the 
European Parliament, but I really don't like to do it. My ideas are more clear 
when I think in French.

[4[12]] Il va perdre son directeur technique, c'est grave pour une startup.

[5[13]] Non, sans déconner, j'en suis à mal dormir la nuit... Ça fait des 
années que ça m'est pas arrivé, de mal dormir la nuit.

Liens:
[1]: http://www.ericwalter.fr/essays/2014/03/vote-blanc-ou-cheque-en-blanc/ (lien)
[2]: http://www.nouvelledonne.fr (lien)
[3]: http://www.iletaitunefoisinternet.fr/comprendre-un-monde-qui-change-internet-et-ses-enjeux-benjamin-bayart/ (lien)
[4]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#pnote-69-1 (lien)
[5]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#pnote-69-2 (lien)
[6]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#pnote-69-3 (lien)
[7]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#pnote-69-4 (lien)
[8]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#pnote-69-5 (lien)
[9]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#rev-pnote-69-1 (lien)
[10]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#rev-pnote-69-2 (lien)
[11]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#rev-pnote-69-3 (lien)
[12]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#rev-pnote-69-4 (lien)
[13]: http://blog.fdn.fr/?post/2014/03/13/Etre-candidat-aux-europeennes#rev-pnote-69-5 (lien)