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Titre: Protection des droits, oui, mais les protéger de quoi ou de qui ?
Auteur: Bruno
Date: Mon 29 Oct 2012 06:51:56 +0100
Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2012/10/29/protection-des-droits-oui-mais-les-proteger-de-quoi-ou-de-qui/
[Cette petite bafouille a été écrite dans le cadre du 3e opus "au fil des labs[1]
"]
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« Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent connaître ».
Ce temps a vu la naissance de la bande magnétique, premier objet permettant le
stockage et le transport facile du son, puis de l’image.
Avec la facilité de transport est arrivée la facilité de la duplication. Cet
usage était, au début, réservé aux personnes pouvant s’autoriser l’acquisition
du matériel nécessaire. La vague numérique aidant, le support physique est en
voie de disparition depuis une décénie. On peut sans trop se tromper, miser sur
la transformation en objet de collection de tous les supports physiques comme
c’est arrivé en son temps pour le disque vinyle.
*
Au temps de la matérialité de l’art audio et vidéo la protection du contenu
contre la copie n’était qu’une problématique secondaire. On lui préférait la
protection contre le monde industriel, accusé de spolier le droit moral et
parfois patrimonial des créateurs. Il semble que, dans les univers numériques
actuels, le « danger » de la copie soit devenu prépondérant.
Symptôme d’une méconnaissance d’un nouvel univers, l’humain tente, souvent
vainement, de reproduire ou d’imiter ce qu’il connait.
Depuis des années, les industries de la copie, constatant que leur modèle
économique basé sur la rareté est menacé, ont tenté de reproduire les éléments
nécessaires pour limiter les copies et en garder l’exclusivité. En anglais, on
parle de Digital Right Management. Gestion des droits numériques de notre côté.
L’axe de développement majeur de ces technologies de protection est logiciel.
Il s’agit d’imposer un programme précis pour consulter l’oeuvre. Le logiciel
permet de quantifier et de limiter les usages fait de l’oeuvre : « Tel morceau
ne pourra être lu que sur tel ordinateur avec tel logiciel pendant tant de
temps ».
L’autre développement, apparu plus récemment, consiste à emprisonner l’oeuvre
dans un équipement, souvent mobile, pour tenter d’empêcher, ou en tout cas de
rendre plus difficile l’extraction. Même si, d’un point de vue extérieur,
l’emprisonnement semble matériel, il n’est en fait que logiciel, ces
équipements étant verrouillés par leur système d’exploitation et non par leurs
fonctionnalités techniques d’origine.
Dans les deux cas, l’oeuvre est toujours stockée quelque part, le nerf de la
guerre se résume finalement à placer la difficulté de récupération suffisamment
haut pour dissuader le plus grand nombre de procéder à une copie.
L’utilisateur reste, dans tous les cas, dépendant du bon vouloir de l’éditeur
de la solution. Si celui-ci estime que tel périphérique ne représente pas un
marché justifiant l’effort de développement, il ne pourra tout simplement pas
jouer ou afficher le contenu.
Dans le cas particulier de l’application rendant le contenu captif,
l’utilisateur est, en plus, littéralement dépossédé de ses contenus. Le marché
tend vers une virtualisation totale : on ne parle plus d’acheter un contenu
mais d’y accéder.
C’est somme toute une évolution logique, peut-être la seule réponse plausible
au prétendu problème de la copie non maîtrisable : proposer une masse
phénoménale de contenus d’une qualité maximale et correctement référencés avec
l’obligation de payer pour continuer à y avoir accès. Il n’a de toute façon,
même au temps où l’achat de support prévalait, jamais été question d’être
propriétaire des oeuvres, au sens juridique du terme.
*
Ceci étant, depuis quelques années, toujours sur le marché de la musique, avec
une longueur d’avance sur les autres, les distributeurs reviennent doucement
aux formats interopérables, allant même jusqu’à proposer plusieurs formats et
qualités pour les oeuvres. C’est au risque de voir les oeuvres disséminées par
la suite, mais ni plus ni moins qu’avant et avec la possibilité de les suivre
au moyens de divers systèmes de tatouages numériques qui suivent l’oeuvre
partout, l’utilisateur n’étant plus contraint à d’obscures manipulations,
pouvant faire disparaître ces marquages, pour les copier.
Une sorte de statu quo se profile donc : « vous n’êtes plus entravé dans vos
usages mais en contrepartie, nous saurons que vous êtes à l’origine d’une copie
que nous n’avons pas autorisée si l’on retrouve vos MP3 à l’autre bout du monde
».
Ce serait oublier un peu trop vite que le logiciel est malléable à souhait. Si
ce n’est pas déjà le cas, certains proposeront très rapidement les logiciels
nécessaires pour supprimer ces marquages, redonnant naissance à la montée en
armement bilatérale que nous observons déjà depuis quelques temps.
De la même façon, la captivité des contenus dans des applications peut
relativement facilement être cassée. La banalisation des outils nécessaires
n’est qu’une question de temps et leur utilisation de masse est directement en
lien avec les entraves mises aux usages.
*
Le préjudice réel issu de ces guerres sans fin et sans fond n’a semble-t-il pas
encore été cerné par les principaux acteurs. Le numérique est une révolution
dans les possibilités de dissémination et de conservation des contenus. Encore
faut-il pour cela qu’ils soient accessibles.
Certains professionnels arguent que les prix des contenus numériques sont
encore élevés à cause des investissements nécessaires, notamment en
développements logiciels et en plateformes techniques de diffusion. Le gros de
ces coûts est directement engendré par les protections voulues par les
industriels. Les supprimer permettrait de diffuser quasi gratuitement tout type
de contenu.
Limiter la copie, par un artifice technique ou une menace
quelconque, entraîne à long terme la disparition dudit contenu. Et c’est sans
même parler du simple fait qu’internet n’est finalement, par nature, qu’une
gigantesque une machine à copier et que se battre contre cet état de fait est
au mieux contre-productif et au pire dangereux vis à vis de l’ensemble des
possibilités qu’il a créées par ailleurs.
Combien d’oeuvres, qui pourraient être accessibles aujourd’hui sans porter
aucun préjudice financier ou moral à qui que ce soit, finiront
par disparaître avec les industriels qui les ont éditées ?
Combien d’entraves à la libre expression de tous devront être posées pour le
seul bénéfice d’une poignée d’industriels ?
Combien de trésors culturels vont s’éteindre ou ne jamais voir le jour au nom
de la protection contre la copie de quelques navets tout juste bons à sonoriser
une soirée bière-foot ?
Liens:
[1]: http://labs.hadopi.fr/actualites/ecosystemes-drm-et-interoperabilite (lien)
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