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Titre: La photo, entre information et formation
Auteur: Bruno
Date: Fri 09 Mar 2012 18:15:58 +0100
Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2012/03/09/la-photo-entre-information-et-formation/

[Le texte qui suit est ma contribution au second opus du "fil des labs"[1] paru
en début de semaine. Publié ici avec les illustrations choisies à l'origine et 
qui n'ont pas été retenues dans la version officielles pour une sombre histoire
de droits parait-il non vérifiables]
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Je suis amateur de photo, sans formation, sans connaissance poussée. En bref, 
c’est un sujet qui me plaît mais que je ne maîtrise pas. J’ai donc commencé par
rechercher une définition de la photo. Wikipedia donne en gros la suivante : la
branche des arts graphiques qui consiste à créer des images par l’écriture de 
la lumière. C’est très poétique, mais concrètement, qu’entend-on par 
photographie en 2012 ?

C’est une image prise de la réalité et qui se trouve généralement contenue dans
un fichier numérique, en tout cas pour une très grosse majorité des photos 
prises aujourd’hui. Qui dit numérique dit copiable à loisir sans dégradation de
qualité, réutilisable, modifiable, bref, tout l’inverse d’une photo « à 
l’ancienne », sur support papier. En ce sens, la photographie a suivi la même 
évolution que la musique ou le cinéma.

Quelle est la considération apportée aujourd’hui à une photo ? J’ai distingué 
trois grandes familles qui ne sont toutefois pas exclusives les unes des 
autres.

*
[image 3: enfant_plage][3]

Crédit photo : Traaf

La photo personnelle, celle qui est prise par le commun des mortels avec 
l’appareil photo numérique qu’il a à sa disposition. Les photos du mariage du 
cousin Albert, celle du petit dernier qui patauge dans le sable au bord de la 
mer, bref, une photo qui n’a, à priori, d’intérêt que pour le photographe 
lui-même et éventuellement son entourage proche. Il y a 20 ans, elle n’avait 
que très peu de chances d’avoir une autre vie que celle de relique dans l’album
familial ou, à la rigueur, comme membre d’une immense collection chez un 
aficionados de la photo de famille récupérée.

Le seul cas ou on parle d’argent avec les photos personnelles sont les grandes 
occasions (mariage, photo de famille…) où l’on fait appel à un professionnel de
la photo qui va fournir une prestation de service ponctuelle qu’on peut 
qualifier de travail artistique. Il est généralement entendu qu’une photo est 
ensuite la propriété du commanditaire, ou qu’il a en tout cas toute latitude 
pour faire ce que bon lui semble des clichés, il n’y a donc généralement pas à 
proprement parler de droit d’auteur à protéger. De plus en plus de 
consommateurs de photos personnelles prises par des professionnels se tournent 
d’ailleurs vers l’amateur de photo possédant un matériel d’une qualité un peu 
plus élevée et un début d’expérience ayant plu. C’est généralement avant tout 
dans une optique d’économie, mais aussi parfois pour le plaisir d’associer une 
personne de son entourage à un moment fort de sa vie plutôt qu’un inconnu, tout
professionnel soit-il.

Aujourd’hui, la numérisation donne une seconde vie à tous ces clichés qui 
peuvent, techniquement en tout cas, au détour d’un site de partage, devenir des
photos des deux autres familles ci-dessous, ouvrant ainsi une myriade de 
possibilités concernant le droit d’auteur.

La photo informative ou illustrative, anciennement surtout vue dans les grands 
médias, était, jusqu’à l’avènement du numérique et des réseaux, la quasi-chasse
gardée des photographes professionnels, voir,e pour l’information, des 
photojournalistes. Ces professionnels savent, à priori, s’organiser pour faire 
respecter leurs droits, en tout cas en ce qui concerne l’utilisation 
commerciale de leurs œuvres.

Mais ils sont à présent en concurrence frontale avec la masse immense de 
particuliers équipés du matériel nécessaire à la prise de vue en toute occasion
(numériques compacts, smartphones…) qui sont généralement enclins à fournir 
leurs clichés aux médias souvent contre l’unique privilège de la citation. Par 
ailleurs, la démocratisation (certains diront la paupérisation) de la prise de 
vue numérique encourage à l’autoproduction de clichés plutôt qu’à l’utilisation
des services d’un professionnel.

Il ne s’agit pas ici d’un problème de respect du droit d’auteur mais d’une 
évolution des pratiques créant une nouvelle concurrence. S’il est peut-être 
souhaitable de limiter la concurrence financière, par exemple en interdisant Mr
tout le monde de se faire passer pour un taxi pour arrondir ses fins de mois, 
il est illusoire de vouloir s’en prendre à la concurrence non financière, ce 
qui reviendrait, si on poursuit l’analogie du taxi, à tenter d’interdire de 
prendre un autostoppeur ou de faire du covoiturage.
[image 5: mariage][5]

Crédit photo : Bertrand Sennegon

Concernant la photo illustrative, elle est par ailleurs devenue d’utilisation 
courante dans monde des blogs ou tout article se doit souvent d’être illustré, 
même par un cliché médiocre, tant qu’il est à peu près dans le sujet. A ma 
connaissance, très peu de blogueurs font appel à des clichés professionnels 
payants pour illustrer leurs articles.

Enfin, la photo artistique, dernière grande famille, est sans doute la moins 
bien reconnue de toutes, mais également celle qu’on peut trouver au sein de 
toutes les autres catégories.

Faite, comme toute œuvre d’art, pour plaire (à son créateur, à un public, à 
l’œil, à l’oreille..), il est facile de la confondre avec une photo personnelle
ou informative. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, et si une photo 
de paysage ne me plaît pas, je la catégoriserai très rapidement « photo perso 
», alors que la nature même d’une toile à l’huile m’interpellera et me laissera
rapidement penser que la personne qui s’est donné la peine de peindre le 
faisait probablement dans le cadre une démarche artistique. La banalisation des
prises de vues a fait presque totalement disparaître la notion d’œuvre d’art 
dans le monde de la photo.

*

L’arrivée du numérique, comme dans bien d’autres domaines, change donc la donne
et bouscule les habitudes. Comme pour la musique, là où quelques acteurs 
bénéficiaient de la matérialité du support pour construire leur service et 
développer leur valeur ajoutée, évoluant dans un marché de rareté, la 
disparition du support et la banalisation de l’outil permettant la transmission
font émerger de nouveaux acteurs dont l’arrivée est facilitée par les capacités
de traitements automatisés et les nouveaux marchés d’abondance.

Mais la photo connaît un second bouleversement qui lui est propre : la création
elle-même est facilitée par le faible coût du matériel d’entrée de gamme et le 
fait qu’une photo n’engrange plus aucun coût sorti de celui, forfaitaire, du 
matériel, au contraire de la photo argentique qui consomme à minima de la 
pellicule et de la prestation pour le développement du négatif.

De fait, même sans aucune connaissance technique ou sensibilité artistique, 
n’importe qui est à même de réaliser des clichés sans se soucier du budget 
engagé.

Autre particularité, la photo numérique peut être de très bonne résolution pour
un poids relativement faible comparé à de la musique ou de la vidéo, facilitant
son stockage et sa diffusion rapide sur les réseaux.

Partant de ces constats, on peut considérer que la photo part avec beaucoup de 
handicaps par rapport à d’autres œuvres en matière de sauvegarde de 
l’écosystème en général et de protection du droit d’auteur en particulier.

Il semble que ce que l’on entend par « respecter le droit d’auteur » consiste, 
pour la plus grande part, lorsqu’un auteur a consenti à diffuser son œuvre, à 
payer pour l’acquérir ou, plus récemment, la consulter. Contrairement à la 
musique ou à la vidéo, l’immense majorité des particuliers n’a jamais eu 
l’habitude de payer régulièrement pour obtenir une photo, en dehors des 
prestations techniques du développement et du tirage qui, bien qu’étant un 
secteur économique sinistré suite à l’avènement du numérique, n’ont que peu de 
rapport avec le droit d’auteur. De plus en plus de particuliers utilisent des 
photos dans des actes entrés désormais dans la vie courante (fond d’écran, blog
voire décoration d’intérieur…) mais, à l’inverse d’autres catégories d’œuvres 
plus traditionnellement achetées, le « piratage » de photo sur le net ne 
représente pas une perte pour le secteur puisque cette utilisation était 
quasi-inexistante jusqu’à la fin du siècle dernier et que la non disponibilité 
gratuite sur le réseau n’entraîne absolument aucun acte d’achat de la part du 
particulier.

Il semble donc peu souhaitable qu’un mouvement s’engage vers une traque à 
l’utilisation frauduleuse de la photo par le citoyen lambda, à la manière de ce
qui se fait aujourd’hui pour la musique ou le cinéma. A contrario, il semble 
important de travailler à une prise de conscience des seuls acteurs qui font 
réellement fonctionner financièrement le secteur de la photo : ces 
professionnels qui devraient théoriquement savoir mieux qu’un particulier que 
l’auteur d’une œuvre bénéficie de certains droits. En un mot, une formation 
semble nécessaire.

En marge de cette bonne prise en compte des droits d’auteur par les 
professionnels, le problème réside également dans la gestion de ces droits, 
parfois nouvellement créés du fait des univers numériques. Si le numérique a 
facilité le traitement et la transmission de la photo, il n’a pas encore 
réellement pris en compte le traitement des métadonnées pouvant contenir, entre
autres choses, ce que l’auteur d’une œuvre veut bien autoriser la concernant. 
Non pas qu’un fichier informatique ne puisse pas embarquer de métadonnées, la 
première version du format EXIF, majoritairement utilisé pour stocker des 
métadonnées, date de 1995, mais très peu de produits ou de services sont 
aujourd’hui abordables pour suivre l’usage fait d’une photo et aucune 
standardisation des métadonnées dans le but d’indiquer les usages possibles 
d’une photo n’existe hormis un champ « copyright ».

Enfin, la banalisation de l’acte photographique a entraîné la création 
d’archives gigantesques à très bas prix, tirant l’ensemble du marché vers le 
bas, à la fois financièrement et qualitativement.

Il existe donc tout un marché de la qualité à un prix respectant les intérêts 
de chacun à créer et à développer, peut-être en l’accompagnant d’une mission 
chargée de responsabiliser ceux qui financent la photo par l’utilisation 
commerciale des œuvres. En bref, si l’on se cantonne au sinistre financier 
manifeste du secteur, le coupable n’est bien évidemment ni l’appareil photo 
numérique, ni l’amateur et encore moins internet mais bien, comme souvent, un 
défaut d’éducation et de considération de son prochain.

Liens:
[1]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2012/03/au-fil-des-labs-photo.pdf (lien)
[2]: http://www.flickr.com/photos/traaf/4502491364/ (lien)
[3]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2012/03/enfant_plage-300x200.jpg (image)
[4]: http://www.flickr.com/photos/dnartreb89/4997358531/ (lien)
[5]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2012/03/mariage-200x300.jpg (image)