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Titre: Internet par et pour les collectivités (2)
Auteur: Bruno
Date: Wed 12 Mar 2014 14:25:25 +0100
Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2014/03/12/internet-par-et-pour-les-collectivites-2/

[image 2][2]

Crédit photo : Ardèche Drôme Numérique

Vous débarquez ? Je vous invite à commencer votre lecture par le début de cette
série[3] ou, si vous êtes plus intéressés par la technique, par cette autre 
série d’articles[4].

Nous en étions donc restés à évacuer la question de savoir si on achète ou 
qu’on loue les trous :

Investir

Le réseau déployé par la Nièvre[5] est, dans mon coin de Bourgogne, 
probablement du fait de sa proximité, souvent cité en exemple : 41,9 millions 
d’euro d’investissement dont 25,8 à la charge de la collectivité pour un réseau
de 600 kilomètres qui a été conçu pour relier entre eux les centraux Orange, 
les points de distribution Wimax et les zones industrielles.

Nous parlons donc de 43 euro par mètre de réseau prélevés sur les fonds 
publiques. Si on envisage un investissement sur 30 ans avec un taux à 5%, cela 
revient donc à environ 23 centimes par mois pour un coût total légèrement 
inférieur à 50 millions, en contrepartie de quoi, la collectivité est en mesure
de louer des fibres aux opérateurs pour un prix variant, d’après les tarifs 
moyens du marché, entre 50 centimes et 2 euro le mètre linéaire annuel sous 
forme de contrats longs (IRU) de 15 à 30 ans.

Même à 50 centimes le mètre, il suffit de 6 opérateurs parmis le gros milliers 
d’opérateurs déclarés en france qui utilisent l’ensemble du réseau pour que 
l’opération rapporte de l’argent au contribuable.

Encore faut-il que des opérateurs souhaitent venir. Lorsque le réseau « fait 
doublon », c’est naturellement au moins cher qu’ira d’abord l’opérateur 
candidat. Il suffit donc de faire moins cher que l’opérateur situé en face, par
exemple, 25 centimes. En tout état de cause, le réseau publique devrait pouvoir
s’adapter rapidement à la concurrence si elle existe pour ne pas représenter un
investissement à vide.

C’est là qu’intervient l’une des nombreuses subtilités des SDTAN (schéma 
directeurs départementaux qui viennent en amont de la création de ce genre 
d’initiative). Ils contiennent quasiment tous une petite phrase magique 
ressemblant à s’y méprendre à « la conception et l’exploitation du réseau 
doivent être validés les opérateurs d’envergure nationale ». Pour situer le 
terme, « opérateur d’envergure nationale », c’est Orange, SFR, Free ou 
Bouygues. Numéricable (3,7 milliards d’euro de capitalisation boursière, 
excusez du peu) n’a semble-t-il pas eu le droit d’entrer dans le club.

On comprend aisément la justification de la présence de cette petite phrase : 
Si les gros opérateurs ne valident pas le mode opératoire de déploiement d’un 
réseau, ils auront toute latitude politique et de très bonnes raisons 
techniques pour refuser de l’utiliser et l’argent publique aura été dépensé 
pour rien.

Nous avons donc 4 acteurs ultra dominants qui, d’une part, déploient des 
infrastructures en propre là ou ça les arrangent, et d’autre part ont carte 
blanche pour que les réseaux d’initiatives publiques soient conçus selon leur 
bon vouloir, tant au niveau technique que commercial, là ou ils ne veulent pas 
investir.

Et on s’étonne encore qu’ils préfèrent continuer à jouer sur leurs propres 
plate-bandes plutôt que de s’installer sur les réseaux publiques, dont ils 
sont, d’ailleurs, le plus souvent, délégataires ? Ils se sont simplement 
arrangés pour que le réseau ne soit pas pertinent pour eux. Pourquoi aller 
s’embêter à couvrir un département de bouseux et jeter l’argent de la bourse 
par les fenêtres alors qu’il suffit de faire 2 ou 3 grosses villes pour avoir 
des actionnaires souriants, qui plus est lorsque la collectivité a fait un 
chèque qu’on a fait encaisser à ses amis sous traitants pour construire un joli
réseau ?

Et tant qu’à faire, pourquoi ne pas en profiter pour s’assurer que la petite 
concurrence ne pourra rien faire et donc ne se développera pas ? Imposons des 
barrières à l’entrée, des conditions de commandes minimum absolument délirante 
et inaccessibles pour les PME et obscurcissions la totalité de la chose, comme 
ça, tout le monde est content : le politique a tenu sa promesse de faire du 
très haut débit dans la durée de son mandat, l’investisseur a son dividende, 
l’opérateur tient son pré carré, et la population on s’en fiche éperdument.

Je vous invite à faire le test : faites-vous passer pour Mr Tartempion, petit 
opérateur en création souhaitant se déployer sur une DSP ou un RIP dans deux ou
trois départements, et constatez par vous même le temps et l’énergie 
nécessaires pour obtenir ne serait-ce que le catalogue tarifaire censé être 
publique. Option d’amusement supplémentaire : pour chacune, notez en marge le 
nom de la maison mère du délégataire.

A toutes fins utiles, le travail de collecte de ces documents et leur 
publication[6] est en cours depuis plusieurs mois et certains délégataires 
menacent les auteurs de ce travail de poursuites devant la justice. Pour 
publication de documents censés être publiques. Vous avez bien lu. Amusant 
n’est-ce pas ?

Bref, l’investissement est judicieux, mais sa mise en pratique est 
catastrophique. Heureusement, une infrastructure passive pourra toujours être 
convenablement utilisée si la politique qui la dirige revient dans le droit 
chemin.

Prétendre qu’un RIP non utilisé c’est de l’argent jeté par les fenêtres est 
donc faux. C’est la mauvaise conception technique ou la mauvaise gestion 
politique qui sont à l’origine de sa non utilisation.

Entretenir ce discours, c’est également tenir le crachoir aux opérateurs qui 
veulent faire croire à cet état de fait tout en boudant volontairement ces 
réseaux publics pour être certains que la collectivité ne fera plus un geste, 
persuadée qu’elle dépenserait encore de l’argent pour rien, et se donner ainsi 
le temps d’investir au rythme qu’ils souhaitent sans aucun risque de 
concurrence déplaisante ni de redevance à verser pour utiliser un réseau qui ne
seraient pas le leur.

Louer

En face, nous avons la possibilité de louer les infrastructures de génie civil 
d’Orange pour 30 centimes … Mais dans quel but ? Celui de les relouer ensuite 
aux opérateurs ? Quelle est la valeur ajoutée plutôt que de laisser les 
opérateurs se débrouiller entre eux, au besoin en imposant quelques règles de 
respect du droit de concurrence ? Aucune.

Et même s’il y avait un intérêt, considérer qu’on a la possibilité d’avoir 
quelque chose pour 30 centimes alors que ce n’est qu’un prix parmi tant 
d’autres dans le catalogue d’Orange est illusoire (qui est d’ailleurs variable 
en fonction du type de câble utilisé et de l’endroit ou il se trouve).

Tout petit florilège de tarifs concernant l’utilisation du génie civil d’Orange
:

Fourniture du plan du réseau d’une commune : 477 € HT
Bonus si on veut des informations sur l’aérien (par commune) : 156 € HT
Bonus si on veut des informations sur les câbles sur les poteaux (toujours par 
commune) : 91 € HT

Ah, mais au fait, il faut un logiciel pour exploiter ces infos, on ajoute donc 
1630 € de licence. On peut vous former, 5560 € la journée. Et dans notre grande
bonté, on peut même vous former pour que vous puissiez vous même entrer les 
infos du réseau orange qu’on aurait oublié dans le logiciel, ajoutez encore 
5340 €.

Si on veut faire quelque chose au niveau du département, on a donc déjà dépensé
350000 euro et on a même pas une seule fibre posée. On va aller regarder 
combien ça coûte du coté de la chambre zéro des NRA, on va aussi regarder les 
offres de transport de données sur le réseau national, et puis ..

Et puis on va finir par laisser tomber vu qu’on a pas d’argent.

  La fibre c’est trop cher pour vous ? Pas de problème monsieur, on va 
  transformer un SR en NRA MED (nouveau nom des NRA ZO) pour augmenter le débit
  des 200 abonnés qui sont derrière. Ils passeront de 2 à 10Mbps ! Et Tatie 
  Jacqueline qui passera de 512Kbps par jour de grand vent à 2Mbps, c’est le 
  cadeau bonus !

  Coût de l’opération ? 200000€.

  Mais raaaaaassurez-vous, ce n’est pas de l’argent jeté par les fenêtres 
  puisqu’on aura déployé de la fibre pour aller jusqu’à ce NRA MED.

  Bon, 5km de fibre à 200000 € ça fait 40 € le mètre, soit un peu plus que les 
  30 centimes du prospectus, mais c’est pas grave hein ?

  De toute façon il faudra la changer à terme, cette fibre, puisqu’il n’y a que
  12 brins dedans et qu’il en faudra 250 quand elle devra aller jusqu’aux 
  abonnés puisqu’on a décidé de ne faire que 2 NRO dans le département.

  Et puis de toute façon ce n’est pas votre problème puisque cette fibre 
  appartient à Orange et que Orange vous la facturera 30 centime par mètre pour
  l’éternité et plus encore si jamais vous vouliez l’utiliser.

Une petite donnée chiffrée : 1000 euro par abonné final pour passer de 2 à 
10Mbps, c’est le double du prix nécessaire pour amener la fibre jusqu’à ces 
abonnés. Mais ça, bien entendu, Orange ne le dira pas dans son beau discours et
préférera vous faire croire que c’est entre 1000 et 2000 euro par abonnés.

Et je ne vous parle pas du fait qu’on a encore vu, contrairement à l’ADSL, 
aucune concurrence s’installer sur aucun réseau FTTH géré par un opérateur 
privé en France, tout bêtement parce que ces messieurs ne daignent pas publier 
une offre.

Fond du problème

Le débat n’est donc pas de savoir s’il faut acheter ou louer. Il se résume donc
à savoir s’il faut créer des réseaux publiques en investissant de l’argent et 
en en gagnant par la suite lorsqu’on le loue aux opérateurs avec le risque que 
pas ou peu d’opérateurs ne viennent ou bien est-ce qu’il faut laisser les 
opérateurs construire leur propre réseau au rythme que eux auront décidé pour 
leur usage exclusif.

En réalité, la problématique est bien plus simple : doit-on attendre que les 
opérateurs privés daignent vouloir aménager nos territoires de façon convenable
ou bien la collectivité se prend-elle en main pour assurer son avenir?

Il semble que pour nos territoires ruraux, le privé ne veuille pas faire 
l’investissement. Il est donc nécessaire de le faire, mais ce n’est pas 
suffisant pour avoir du très haut débit au bout pour la bonne et simple raison 
qu’un réseau, même régional, ne sera pas nécessairement connecté au reste 
d’Internet et qu’il faudra donc qu’un opérateur fasse le bout de chemin 
nécessaire pour cette connexion, et il y a fort à parier que cet opérateur sera
Orange, SFR, Free ou Bouygues.

Il est donc nécessaire de « se prendre en main » pour proposer une solution 
valable. C’est l’objet de l’article suivant[7].

Liens:
[1]: http://www.flickr.com/photos/ardechedromenumerique/ (lien)
[2]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2014/03/tranchée-fibre-225x300.jpg (image)
[3]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/2014/03/12/internet-par-et-pour-les-collectivites-1/ (lien)
[4]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/2013/03/20/fabriquer-son-internet/ (lien)
[5]: http://www.nievrenumerique.com/Chiffres-cles (lien)
[6]: http://www.ffdn.org/wiki/doku.php?id=travaux:tarifs_dsp (lien)
[7]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/2014/03/12/internet-par-et-pour-les-collectivites-3/ (lien)