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Titre: C’est dur, le coopératif, hein ?
Auteur: Bruno
Date: Thu 19 Jan 2017 12:40:31 +0100
Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2017/01/19/cest-dur-le-cooperatif-hein/

Ce billet est inspiré (entre autre) des multiples occasions que j’ai eu de 
constater les difficultés qu’on a globalement à travailler ensemble et un peu 
aussi de la prose de Benjamin[1] et celle de PH[2]. Il a été musicalement 
accompagné de Keny Arkana – Effort de Paix, Kery James – Racailles, Alan Walker
– Fade, Brav – Post Scriptum – Bonus et Sick Puppies – All The Same.
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[image 4][4]

Photo de Stephen Bowler

Au commencement …

C’était mieux avant. Dans le monde auquel on ma préparé dans mon enfance, il y 
avait les gentils travailleurs un peu benêts, les flemmards de fonctionnaires 
mais qui bossaient un peu quand même, les méchants patrons qui exploitaient les
gentils travailleurs mais bon c’est comme ça et les vilains élus qui pressaient
le citron de tout ce beau monde pour s’en mettre plein les poches mais qu’on 
savait pas trop comment faire sans eux.

Tout naturellement, après m’être fait bourrer le crâne par des fonctionnaires à
l’école et avoir regardé de loin les élus en me disant « pfouuu ça a l’air 
chiant », je suis allé, comme un gentil benêt, bosser pour un méchant patron.

J’ai eu du bol (ou pas), je suis tombé sur l’archétype du patron, arnaqueur 
avec ses clients et méchants avec ses employés… donc ça n’a pas duré longtemps,
et assez vite (9 mois) j’ai senti que ça n’allait pas pouvoir se jouer comme ça
et que je n’étais pas à ma place. Pas qu’il fallait que je passe de la case 
travailleur benêt à celle de patron méchant, mais que ces 4 cases que je 
m’étais construit à la mesure de ce que j’avais perçu du monde n’étaient pas 
les bonnes.

Donc j’ai monté une boite. Ça m’a valu de ne plus (ou moins) fréquenter pas mal
d’amis à l’époque (qui aujourd’hui ont à peu près tous monté des boites). 
J’étais devenu le vilain capitaliste qui voulait profiter du gentil 
travailleur. Petit détail, je n’ai jamais embauché personne en tant que patron.
Pas par manque de moyen, un peu par peur d’échec, mais surtout parce que je ne 
me voyais pas demander la même implication à une personne salariée qu’à tout 
ceux avec qui j’avais bossé jusque là qui étaient aussi actionnaires et 
décideurs.

Truth is out there…

Une dizaine d’année après avoir bossé comme un chien 7j/7 et 18h/24, j’avais 
quand même trouvé le temps de tomber par hasard sur la femme de ma vie sur 
l’IRC et nous avons eu l’idée saugrenue de faire un môme (full disclosure : ils
sont 4 maintenant). Tous ces arriérés de vieux disaient « tu vas voir, ça 
change la vie »… « ouais, c’est ça tantine, ça change la vie… même pas peur ». 
Eh ben tantine avait raison, mais je pensais pas que ça se passerait comme ça.

J’ai du mal à savoir dans quel ordre c’est venu, mais je me suis intéressé à 
peu près en même temps à ce que j’allais bien pouvoir faire de ma vie et à ce 
que serait celle de mes enfants. Leur montrer un modèle de papa businessman 
pendant que maman change des couches ? Brrrr… mais vu que je suis pas doué pour
les couches, en tout cas beaucoup moins que pour le ménage, et que je sais que 
je n’aurais pas la patience qu’elle a depuis 10 ans de rester 24×7 avec nos 
enfants, je tente de construire un modèle différent, celui qui me semble le 
moins pire pour leur avenir.

I had a dream…

Dans mon rêve, tout le monde il est moche (parce que « beau » ça fait trop 
cliché) et tout le monde il est gentil. Je suis un bisounours, parfaitement 
madame !

J’ai donc honteusement profité de la gentillesse de mes camarades de jeu de ma 
vie professionnelle pour prendre du temps pour esquisser ce monde dans lequel 
j’aimerais que mes enfants vivent. Bon, je ne me sens pas trop coupable, ayant 
la nette impression d’avoir tout de même fait beaucoup avant et jouant toujours
mon rôle de gestionnaire/comptable/commercial/négociateur, mais je leur dois 
beaucoup et j’espère qu’ils le savent. Ça dure en gros depuis 2011 et ça s’est 
pas mal accentué depuis 2015.

Je sais pas si c’est encore un mystère pour certains, mais je fais de 
l’internet coopératif. Je suis censé coordonner techniquement la fédération FDN[5]
, j’ai co-fondé un obscur truc[6] qui a vocation à gérer un réseau national de 
transmission en fibre, et je suis le GNUru d’un fournisseur d’accès coopératif[7]
dans l’Yonne, le département qui m’a accueilli après mes grosses déceptions en 
Picardie suite à notre départ de l’Ile de France qui ne collait pas à l’idée 
qu’on se faisait de l’avenir pour nos enfants.

Dans mon rêve, les gens qui se rendent compte que les grands vilains 
capitalistes mangeurs de temps de cerveau (ceux dont PH parle dans son article,
entre autre) ne feront rien pour eux, pas plus pour leur alimentation ou leur 
cadre de vie que pour la qualité de leur connexion internet, ils se retroussent
les manches pour bosser avec leur voisin, même s’ils trouvent que, par 
ailleurs, leur voisin est un gros con parce qu’il emmène ses enfants au McDo ou
qu’il vote Mélenchon.

Comme moi,ce qui me botte, ce sont les réseaux, j’ai retroussé mes manches pour
bosser avec les premiers abrutis qui ont bien voulu de moi (eux aussi, j’espère
qu’il savent que je leur dois beaucoup) pour qu’ensemble on monte un bidule 
étrange que personne ne comprend vraiment mais qui fait le boulot : on amène 
des connexions internet qui (le plus souvent) fonctionnent du feu de dieu et 
ouvrent un peu plus de possibilités à des familles qui, avant, n’avaient rien 
ou pas grand chose.

Ça les aide pas à boucler le mois, ça permettra probablement pas à leurs mômes 
de faire médecine, mais c’est ma part de contribution à la vie de la Cité, et 
c’est la seule, vu que je suis un vilain anarchiste non inscrit sur les listes 
électorales qui ne fait donc pas son « devoir de citoyen ».

Nous partîmes 3000 et par je ne sais pas quelle emmerde, on s’est retrouvés 4 
une fois arrivés au port…

J’ai toujours imaginé, dans ma bulle de bisounours, que quand des gens se 
réunissent autour d’un projet étrange et qui tranche avec les habitudes 
générales, ce sont nécessairement des gens qui ont compris quelque chose et qui
savent que pour avancer, il faut faire des concessions, faire preuve d’empathie
et, globalement, avoir une bienveillance générale envers le monde autour de 
soi.

Quand on se lance dans un projet coopératif, le principe de base est de mettre 
en route un premier morceau de quelque chose, puis d’expliquer aux gens comment
faire pareil. Après 4 ans de développement, on est encore loin de la cible, 
beaucoup trop de choses sont encore centralisées, mais on avance doucement et 
sûrement. Autour de ces difficultés concrètes, tout le monde rame dans le même 
sens et on avance.

Eh ben non, raté. J’ai la très ferme impression que tout le monde regorge 
d’énergie mais a du mal à la canaliser et l’utilise souvent à chercher la 
petite bête, le danger, le risque, la merde, quoi. Non pas qu’une personne qui 
défend des principes (les militants dont parle Benjamin dans son article) a 
nécessairement tort, loin de là, ils ont même très souvent des idées qui valent
le coup d’être mises en œuvre. Non plus que d’autres qui arriveraient avec des 
idées totalement à contre courant réussiraient à tout foutre en l’air, non, du 
tout. Mais chaque année, depuis 10 ans, je constate qu’une bonne part des 
projets coopératifs auxquels je participe partent en vrille.

Pour plein de raisons hein, toutes plus ou moins bonnes, mais il y a toujours 
un point commun : les acteurs de ces projets qui se sont vus pendant un temps 
pour le démarrer finissent par se fréquenter un peu moins, chacun pris dans ses
activités, ses problèmes personnels, ses envies… et ça fini inévitablement par 
des jalousies, des suspicions, des paroles écrasantes et des banalités à faire 
blêmir.

Et si…

Si on s’obligeait à la bienveillance ? Si on considérait que les projets 
coopératifs dans lesquels on s’agite ont été co-construits de telle manière 
qu’ils ne puissent être détournés de l’objectif primaire : le bien commun ? Si 
on admettait que l’autre, quels que soient les travers qu’il traîne dans ses 
casseroles, n’est pas un 1 ou un 0, qu’il n’est pas méchant ou gentil ? Qu’on 
peut regarder la télévision et en parler sans pour autant être adepte du 
siphonnage de temps de cerveau ? Qu’on peut œuvrer pour le bien commun même si,
par ailleurs, une partie de nos actions disent le contraire ?  Qu’on peut être 
viandar et laisser vivre les vegan en paix, voir apprécier ce qu’ils savent 
produire côté culinaire ? Qu’on peut militer pour le logiciel et le matériel 
libre tout en ayant pris l’habitude de bosser avec un Mac ou sous Windows ?

En bref, qu’on peut avoir des mots ou actions qui ne vont pas dans le sens du 
collectif sans pour autant être inutile ou nuisible à ce collectif ? Et que 
même, avec le temps, on évoluera et on mettra en adéquation nos actions avec 
les idées collectives parce qu’on les aura pratiquées et qu’on trouvera ça 
bien… mais qu’on s’interdira à son tour de mettre le nez de l’autre dans le mur
au motif que lui n’a pas (encore ?) évolué dans ce sens ? En contrepartie, 
l’autre qui sentira poindre quelque chose qu’il aimerait bien, par facilité, 
qualifier d’intégrisme, devra probablement accepter la critique, même mal 
formulée, et s’en servir (ou pas) pour continuer à avancer.

Je suis le premier à trouver ça chiant de devoir se relire avant d’envoyer 
quelque chose (surtout que je dois le faire déjà 3 fois pour l’orthographe et 
la syntaxe), mais force est de constater que ça reste important, au moins dans 
le début des relations entre personnes qui se connaissent pas ou peu.

L’autre solution, c’est d’avoir un patron qui décide à notre place et qui fait 
chier. Choisis ton camp, camarade.

Donner le temps en au temps…

Vous l’aurez probablement compris, je suis actuellement spectateur (voir un 
brin acteur) de quelques prises de choux… mais je suis confiant dans l’avenir, 
2016 m’ayant prouvé que des personnes ayant quasi juré de s’étriper à l’été 
2015 ont été capables, toutes seules comme des grandes, de se parler, de se 
comprendre et de bosser intelligemment ensemble (je suis fier de vous, mes 
lapins !), je me dis donc que tout n’est pas perdu, et puis on sent bien que, 
parfois, faut foutre un grand coup de pied pour que ça reparte, et finalement, 
je me dis que les bordels dans les trucs difformes inhabituels, ben c’est la 
vie, que ça va avec, et qu’il faut en passer par là pour continuer.

Mea culpa…

Oui parce que bon, j’me pose un peu en grand synthétiseur quand même… mais j’ai
pas la science infuse et j’ai aussi ma grosse part de responsabilité, notamment
dans la centralisation dont je parlais plus haut. J’ai donc (une fois n’est pas
coutume) pris la bonne résolution de 2017 : me décentraliser (les adultes y 
disent « déléguer »). J’essaierai de vous faire un point d’étape prochainement 
:)

Je reste donc un gamin qui croit au père Noël et si t’essaies de me faire 
changer d’avis, t’ar ta gueule à la récré !

Liens:
[1]: http://edgard.fdn.fr/blog/index.php?post/2016/11/03/Amilitants (lien)
[2]: https://gazette-ln.info/?p=212 (lien)
[3]: https://www.flickr.com/photos/50826080@N00/9408198891/ (lien)
[4]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2017/01/9408198891_e9be67cb79_z-300x204.jpg (image)
[5]: http://www.ffdn.org/ (lien)
[6]: http://www.opdop.net/ (lien)
[7]: http://www.scani.fr/ (lien)