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--- /dev/null
+++ b/La_diffusion_de_la_tlvision_linaire_comme_service_gr.txt
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+Titre: La diffusion de la télévision linéaire comme service géré
+Auteur: Benjamin Bayart
+Date: Fri 20 May 2016 08:27:00 +0200
+Lien: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere
+
+Dans les exceptions à la neutralité du Net, il y a les services gérés. Le
+consensus actuel est que la télévision linéaire (celle de papa, avec de la pub
+entre et dans les émissions, par opposition à la télévision de rattrapage qui
+se fait en ligne, avec de la pub partout aussi et du flash) est forcément un
+service géré. Ce consensus s'appuie beaucoup plus sur des pratiques actuelles
+et sur des choix techniques douteux que sur une réalité intangible.
+
+On ne démontrera pas ici que les pratiques actuelles peuvent être changées
+facilement dès la semaine prochaine, et que donc dès demain matin le régulateur
+doit intervenir. Mais que ces pratiques peuvent être revues. Et qu'elles ne le
+seront pas sans effort de la part des pouvoirs publics, soit sur la régulation,
+soit sur la législation.
+
+Nous n'avons pas spécialement espoir que le régulateur prenne sur le sujet une
+position ambitieuse. Rien que pour des raisons stratégiques et politiques,
+c'est peu probable. Reste que cette évolution est souhaitable, et que nous
+souhaitons donc poser cette base comme un objectif de moyen terme, pour qu'au
+moins le régulateur puisse le citer comme objectif à atteindre dans quelques
+années, même s'il n'est pas imposé tout de suite.
+
+Rappels
+
+Les discussions sur la neutralité du Net commencent à dater un peu, déjà 6 ans
+depuis le symposium international organisé par l'ARCEP sur le sujet. Le fruit
+législatif de tout ça, c'est un règlement européen qui a été adopté fin 2015,
+et qui commence tout doucement à s'appliquer. Le terme neutralité du Net en a
+été retiré, remplacé par accès ouvert à Internet. Ce sont les régulateurs
+nationaux des télécoms (donc en France l'ARCEP) qui sont chargés de faire en
+sorte que cet accès ouvert ait lieu. La neutralité du Net est vue par l'ARCEP
+comme un des moyens d'arriver à cet accès ouvert à Internet.
+
+Quand le principe de la neutralité du Net a commencé à s'imposer, les
+opérateurs ont essayé d'y échapper en créant la notion de service spécialisé,
+aussi appelés services gérés : des services qui demandent une qualité
+particulière sur le réseau et sont donc en-dehors du champ de la neutralité du
+Net. Il y en a deux classiques en France, la télévision et le téléphone. Pour
+ces deux services, quand ils sont vendus dans le cadre d'un abonnement unique
+via une box, il y a une priorisation du trafic : sitôt qu'on allume le décodeur
+télé, de la bande passante est consommée en priorité par ces flux et ça se
+ressent sur l'accès à Internet, surtout en ADSL (en fibre ça ne se sent pas, en
+câble les techniques sont vraiment différentes).
+
+Plusieurs angles d'analyse s'opposent et se complètent pour essayer de
+caractériser ce qui est un service géré, et parmi les services gérés ce qui est
+légitime et ce qui ne l'est pas.
+
+Notre angle habituel (côté Fédération FDN et Quadrature du Net) est qu'un
+service géré qui est équivalent, fonctionnellement, à un service disponible en
+ligne est une entrave à la libre concurrence : l'opérateur privilégie son
+propre service (ou celui de son partenaire, c'est égal) en lui offrant une
+jolie priorisation sur le réseau, contre les services de ses concurrents
+disponibles en ligne.
+
+Un angle habituel des opérateurs est la nécessité de la priorisation : le
+service de vidéo demande une priorisation pour que les vidéos soient fluides
+même quand bittorrent tourne en tâche de fond. Mais il est difficile
+d'expliquer que c'est vrai pour les vidéos payantes des opérateurs (sur le
+service de VOD de leur offre télé, par exemple) alors que la priorisation n'est
+pas disponible pour les vidéos payantes de YouTube (si, si, il y en a, on peut
+louer des films sur YouTube).
+
+Un angle nouveau proposé par les opérateurs est de comparer l'état du réseau
+selon que le service est géré ou qu'il ne l'est pas, toutes choses étant égales
+par ailleurs. Si le réseau est dramatiquement plus chargé, ou mis en danger, ou
+rendu moins efficace, bref, s'il y a un dommage sur le réseau, c'est qu'il faut
+que ce soit un service géré. Cet argument a été avancé par quelqu'un pendant la
+réunion qui s'est tenu le 11 mai au matin dans les locaux de l'ARCEP^[1[1]] et
+je m'y suis opposé sur des bases techniques. Opposition légère, et rapide, de
+principe, je n'avais pas le temps d'expliquer.
+
+Sur le fond, l'argument est bon. Si un service en passant de géré à normal crée
+des dommages sérieux sur le réseau, alors il devrait être géré. Reste que ce
+n'est pas le cas de la télé.
+
+Le cas de la vidéo à la demande est enfantin
+
+Pour la vidéo à la demande, l'analyse est simple. Pas de vraie différence sur
+le réseau entre la vidéo diffusée par la plateforme de vidéo à la demande (VOD)
+de l'opérateur et celle diffusée pas un acteur externe, Netflix ou YouTube par
+exemple. Donc, ce n'est pas défendable.
+
+L'utilisateur final a payé son accès au réseau, sous la forme d'un abonnement.
+Il paye le visionnage de la vidéo à la plateforme de vidéo. Si le réseau marche
+mieux pour une plateforme que pour une autre, c'est un abus de position
+dominante, et une atteinte très claire au principe d'accès à un réseau ouvert.
+
+Le stress imposé sur le réseau par le visionnage d'une vidéo à la demande, que
+ce soit sur un site Web, ou au travers du décodeur télé sur la plateforme de
+l'opérateur, est de la même nature. Il ne diffère qu'en fonction de la vidéo
+(haute définition ou pas), et par la source du trafic (un point A du réseau au
+lieu d'un point B du réseau), pas par la nature de la charge induite par le
+visionnage lui-même. Sur ce service là, l'argument dommage sur le réseau n'est
+donc pas opérant. En fait, aucun argument ne sera opérant. La priorisation du
+trafic VOD en favorisant la plateforme de l'opérateur doit être considérée
+comme une violation du règlement européen.
+
+Le simple fait que l'opérateur privilégie son offre en prévoyant un câblage
+spécifique sur la box est un problème. La prise où on branche le décodeur télé
+est un accès spécial au réseau, cet accès passe par des voies privilégiées pour
+que les flux télé et VOD soient priorisés. Les flux de VOD de toutes les offres
+du marché, quel que soit le fournisseur, devraient passer par cet accès
+priorisé. La priorisation du trafic n'est pas en elle-même un problème. C'est
+le fait que cette priorisation se fasse pour une seule plateforme qui est un
+problème. En fait, savoir si la priorisation a lieu pour les offres de VOD de
+l'opérateur, ou d'un opérateur concurrent, ou de Netflix, ou de Télé Bocal,
+devrait être automatique et non-discriminant. Ou au choix et sous le contrôle
+de l'utilisateur final. Mais pas au choix de l'opérateur.
+
+Fonctionnement de la diffusion de la télévision linéaire en IP
+
+Techniquement, la télévision linéaire est diffusée en multicast^[2[2]]. C'est
+un cas intéressant, tout le monde voit le même flux, à la même seconde, la même
+image en même temps. L'idée est que, quel que soit le nombre de
+téléspectateurs, on ne va transporter les informations qu'une seule fois. Et
+pour obtenir cet effet, on utilise du multicast.
+
+Le principe de l'unicast est simple : un serveur a le flux à sa disposition,
+chaque personne qui veut regarder demande à recevoir le flux, et ce flux lui
+est envoyé. Si 100 personnes veulent voir le flux, alors il est émis 100 fois
+depuis le serveur de départ, et transporté 100 fois sur le réseau. Sur le
+dernier brin du réseau, celui qui va chez moi, il n'est transporté qu'une fois
+(pour moi), sur les grands axes du réseau il est transporté plusieurs fois.
+Quand on regarde le direct d'une chaîne de télé sur son site web, c'est ce qui
+se produit. Si un million de personnes regardent en direct, il faut envoyer le
+flux un million de fois en simultané.
+
+Le principe du multicast est radicalement différent. Le réseau sait que c'est
+un flux (de quoi, il s'en fiche, c'est un flux). Quand je veux regarder une
+chaîne donnée, mon décodeur télé envoie un message au routeur juste au-dessus
+dans le réseau disant Je veux recevoir le flux de Télé Bocal. Si le routeur
+reçoit déjà le flux en question (mon voisin regarde déjà cette chaîne) alors il
+copie le flux vers moi et c'est fait. Sinon, il propage la demande au routeur
+suivant, jusqu'à remonter au serveur qui émet le flux. L'effet sur le brin du
+réseau qui va chez moi est assez faible. On a mis en œuvre un protocole de
+routage plus complexe, mais il y a bien un seul exemplaire du flux qui arrive
+chez moi, comme avant, comme en unicast. En revanche, sur les grands axes du
+réseau, un seul exemplaire du flux est transporté. Cet exemplaire sera dupliqué
+à chaque point de connexion, pour aller vers les zones où quelqu'un regarde la
+chaîne, et seulement ces zones-là.
+
+Du coup, en effet, si on remplace la diffusion de la télévision linéaire en
+multicast par des flux web en unicast, on crée un stress considérable sur le
+réseau, les grands axes du réseau se retrouvent avec le même flux en plusieurs
+millions d'exemplaires, au lieu d'un exemplaire unique. Mais... ce n'est pas la
+priorisation, ou un changement de priorisation, qui produit cet effet. Ce n'est
+pas de rendre prioritaire les flux des bouquets télé autres que celui de
+l'opérateur qui produit cet effet. Ce qui produit cet effet, c'est qu'on a
+changé de technologie. On est passé d'une diffusion multicast à une diffusion
+unicast.
+
+Si on reste sur la même technologie, à savoir multicast... Mais, peut-on rester
+sur la même technologie ? Globalement, la réponse simple est oui. Oui. Un
+émetteur de flux multicast est défini par une adresse IP et un numéro de port.
+Une seule adresse IP multicast peut donc émettre des dizaines de milliers de
+flux différents.^[3[3]] Et il existe des milliers millions d'adresses IP
+identifiées comme multicast. Et je ne parle là que d'IPv4, en IPv6, il y en a
+beaucoup plus. Pour le moment, entre les grands opérateurs d'Internet, les flux
+multicast ne sont pas routés. Sur les points d'échange, on ne fait pas passer
+ces flux là. Si on voulait le faire, on déstabiliserait ces points d'échange^[4[4]
+]. Mais le concept de point d'interconnexion multicast entre deux réseaux est
+un concept raisonnable, qui ne demande pas des équipements nouveaux, mais
+simplement des équipements actuels et un effort de configuration.
+
+À tel point que certains opérateurs, de petite taille, commencent à fournir ce
+type de plateforme d'interconnexion multicast, pour aider d'autres petits
+opérateurs à diffuser des flux de télévision. C'est donc faisable. Pas encore à
+grande échelle, mais uniquement parce que les grands acteurs du secteur ne
+veulent pas le faire.
+
+DSM, Geoblocking
+
+Quelle est donc la configuration du réseau que nous proposons, et quel serait
+son effet ?
+
+Nous proposons qu'il y ait des points d'interconnexion multicast sur le réseau
+IP européen, comme il y a des points d'interconnexion pour les flux unicast.
+Certaines interconnexions sont payantes, d'autres sont gratuites, on pourrait
+fonctionner sur les mêmes bases. Chaque émetteur de flux télé vient se
+connecter sur un de ces points (via son fournisseur d'accès à Internet) et
+dispose d'une adresse IP multicast. France Télévision a une de ces adresses, le
+groupe Canal+ aussi, Télé Bocal aussi, etc.
+
+Quand le décodeur télé d'un abonné demande à regarder une chaîne... hé bien il
+se passe la même chose qu'à l'heure actuelle, une demande de souscription IGMP^
+[5[5]] circule sur le réseau vers l'adresse IP qui émet le flux, et chaque
+routeur sur le trajet se met à gérer son exemplaire du flux, et à dupliquer
+vers les personnes qui le souhaitent. En clair, sur la théorie, on ne change
+rien.
+
+Sauf que tout d'un coup, tous les abonnés de tous les FAIs de toute l'Europe
+ont accès à toutes les chaînes de télévisions de tous les bouquets de tous les
+pays.
+
+Oh, et les chaînes payantes ? C'est assez simple. Soit le contrôle d'accès à
+ces chaînes payantes est fait sur le réseau, et alors il continue d'être fait
+sur le réseau : le routeur qui est au bout de ma ligne n'accepte ma demande de
+recevoir un flux que si j'ai l'abonnement qui correspond. Soit le contrôle est
+fait par le terminal : le flux est chiffré, et mon décodeur télé ne pourra
+déchiffrer le flux que si j'ai l'abonnement correspondant. Il y aurait sans
+doute des efforts à faire pour généraliser le contrôle d'accès par le réseau,
+mais j'y reviendrai.
+
+Mais sur le principe, je peux depuis Paris souscrire aux chaînes de cinéma
+diffusées par les grands bouquets polonais, ou tchèques, ou espagnols.
+
+En ce moment, la Commission européenne fait des grands moulinets avec les bras
+sur les histoires de geoblocking^[6[6]] et sur le Digital Single Market^[7[7]].
+Ils luttent contre le fait que des plateformes acceptent de diffuser des flux
+aux abonnés français mais refusent ces diffusions aux abonnés allemands ou
+américains. Ce qui fait que les copains en séjour aux USA, quand ils veulent
+regarder un peu de télé franchouillarde, passent par des VPNs pour être vus
+comme venant de France. C'est stérile. C'est débile. C'est la main invisible du
+marché.
+
+Notre idée d'un réseau multicast ouvert et public, routé comme il devrait
+l'être^[8[8]], permet de faire du marché de la télévision un vrai marché
+européen. Non pas qu'une chaîne de télévision en polonais ait une chance de
+prendre 40% des parts de marché en France, mais qu'un polonais qui est en
+séjour en France ait accès à des informations en polonais. Le citoyen européen
+qui se déplace en Europe peut prendre des nouvelles de chez lui. Il est un peu
+plus chez lui partout en Europe. Et il nous semble que tout ça a du sens.
+
+Effets sur le marché de la télévision linéaire
+
+L'effet principal est de retirer aux grands fournisseurs d'accès Internet un
+moyen de pression sur les auteurs des flux de télévision linéaire. En effet,
+une chaîne qui n'est plus diffusée par les grands FAIs devient presque
+invisible.
+
+Le mécanisme que nous proposons pose tout de même une difficulté pour les
+chaînes payantes. Pas une difficulté de principe, on l'a vu, mais une
+difficulté contractuelle. En effet, il faut que le routeur au bout de ma ligne
+sache si je suis abonné ou pas à une chaîne. Or la transaction commerciale a eu
+lieu, en toute logique, entre la chaîne de télévision (ou son mandataire, mais
+ça ne change rien) et moi. Il n'est pas logique que l'opérateur soit partie
+prenante à cette transaction. Il faut donc prévoir un mécanisme simple et
+portable. Par exemple que l'opérateur puisse interroger une plateforme avec une
+question du type "l'abonné XXX (identifiant unique) peut-il accéder au flux
+YYY". Cette plateforme n'est pas très différente, dans son principe, de ce qui
+se fait pour la portabilité des numéros de téléphone.
+
+On peut imaginer une plateforme centrale, qui recense tous les identifiants
+d'abonnés et à quelles chaînes ils sont abonnés. Mais c'est une assez mauvaise
+idée^[9[9]]. On peut, plus facilement, imaginer un système non centralisé. Un
+système où à partir de l'adresse du flux, on remonte à la plateforme qui en
+gère les droits (par exemple un enregistrement TXT dans la zone DNS de
+l'adresse en question), et que cette plateforme soit sous le contrôle direct de
+la chaîne de télé.
+
+Bref, sur cet aspect-là, il y a un peu de travail à produire. Il n'y a pas de
+difficulté théorique, simplement des choix pratiques à faire, puis à mettre en
+œuvre. Rien de bien difficile si on met les bons ingénieurs sur le sujet. Une
+usine à gaz indescriptible si on met les chargés de mission habituels. Comme
+toujours dans nos métiers.
+
+Effet de fourniture
+
+Le règlement européen insiste, dans sa définition d'un accès ouvert au réseau,
+sur le fait que l'utilisateur final peut accéder au service de son choix. Notre
+proposition fait que l'utilisateur final peut accéder au service télé de son
+choix via le réseau. C'est donc parfaitement cohérent. Et l'approche contraire
+qui est que l'utilisateur ne peut accéder qu'au service de télévision linéaire
+de son opérateur est fondamentalement contraire au texte européen.
+
+Mais il y a plus, comme disent certains juristes. En effet le règlement
+européen indique clairement que l'utilisateur doit pouvoir fournir le service
+de son choix. Dans notre approche, c'est possible. Chacun peut avoir une
+adresse multicast s'il le souhaite, et donc se mettre à émettre, depuis chez
+lui si la vitesse de son accès le permet, un flux de télévision. Et l'Europe
+entière pourrait regarder ce flux, sans que sa ligne soit plus chargée que
+d'habitude.
+
+Le texte du règlement européen est très clair. Il ne dit pas qu'il doit y avoir
+plusieurs acteurs de marché dans le monde de la télévision. Il dit que chaque
+utilisateur final doit pouvoir proposer les services de son choix. La vision
+que nous proposons d'un réseau multicast ouvert, interconnecté, routé, pour le
+réseau de diffusion de la télévision linéaire est la seule qui permet ça.
+
+Effets sur le réseau
+
+Quand je prétends que sur le réseau c'est sans effet, et que tout est comme
+d'habitude, je néglige une optimisation classique. Les routeurs de cœur de
+réseau qui gèrent de grosses masses de flux multicast sont de grosses machines,
+mais les grosses machines n'aiment pas réfléchir. Si tout fluctue tout le
+temps, si à chaque abonné qui zappe le routage des flux est susceptible de
+changer, alors on crée des mouvements stochastiques. C'est le principe des flux
+de vent dans l'air. Souvent, ça ne fait rien. Des fois, ça fait un orage.
+Rarement ça fait une tempête ou un ouragan.
+
+C'est très embêtant ça, dans un réseau. L'optimisation habituelle est de dire
+que tous les routeurs de cœur de réseau ont souscrit à tous les flux télé les
+plus courants. En France, ce sont en gros les 200 chaînes de télé qu'on trouve
+un peu partout. Et ne sont vraiment traitées en souscription à la demande que
+les chaînes dites rares, en langue étrangère par exemple, ou à hyper-faible
+audience, etc. Ces chaînes sont plus nombreuses, mais font une audience à peine
+mesurable. Elles ne produisent pas assez de mouvements de masse d'air sur le
+réseau pour créer un ouragan.
+
+Cette optimisation reste complètement possible, chaque opérateur réseau
+regardant les chaînes qu'il pense le plus souvent demandées par ses abonnés,
+sur des vraies mesures ou sur des estimations doigtmouillesques du marketing,
+et configurant ses routeurs pour suivre ces flux en permanence pour créer un
+ensemble stable de télédiffusion sur son réseau.
+
+Il n'y aurait plus qu'un seul FAI
+
+Le représentant d'un grand opérateur qui défendait le point lors de la réunion
+de l'ARCEP m'a répondu, outré, comme si j'étais le pire des ignobles, qu'il n'y
+aurait alors plus qu'un seul FAI. Me dire ça. À moi.
+
+En effet, pour lui, ce qui permet à plusieurs FAIs d'exister, c'est que les
+offres sont différentes, c'est que les bouquets de télé sont différents, c'est
+que les films disponibles en vidéo à la demande sont différents. Il devait
+croire en 2000 que c'est pour le portail qu'un abonné choisissait entre Orange
+et Free. Et qu'une fois la mode du portail passée, et elle est passée depuis
+2008, l'univers entier allait s'écrouler. Il croit donc que si tous les abonnés
+peuvent accéder par le réseau à toutes les offres de télé, alors tous les FAIs
+auront le même service, et qu'il n'y aura plus de marqueur différenciant.
+
+Mon analyse à moi, c'est qu'il n'y a qu'un seul Internet. Et que tous les FAIs
+fournissent un accès au même Internet. Et la proposition qui est faite ici est
+simplement de réintégrer dans ce réseau Internet unique les flux multicast que
+les opérateurs ont mis de côté.
+
+Je redoute que sur ce point son approche et la mienne ne puissent pas être
+réconciliées. Mais voilà, c'est bien mon approche qui est soutenue par le
+règlement européen, contribuer à ce qu'il n'y ait qu'un seul Internet, et que
+tous les citoyens d'Europe puissent y accéder de la même manière où qu'ils
+soient en Europe.
+
+Notes
+
+[1[10]] On a promis de ne pas dévoiler qui tenait quelles positions, de manière
+à ce que chacun puisse parler librement. Je tiens la promesse, je donne
+l'argument, pour le réfuter, sans dire de qui il venait.
+
+[2[11]] Les réseaux de communication électronique nomment traditionnellement
+trois modes de diffusion. L'unicast qui est entre un émetteur et un
+destinataire. Le multicast qui est entre un émetteur et des destinataires. Le
+broadcast où le message est émis à destination de tous les destinataires
+possibles.
+
+[3[12]] Pour le coup, je me suis trompé. Ma pratique de terrain de multicast
+remonte à il y a longtemps. Une source multicast est une adresse IP, prise dans
+les adresses 224/8 pour ce qui est local à un lien, ou 232/8 et 233/8 pour ce
+qui est routable. Normalement, ce sont les adresses de 233/8 (seize millions
+d'adresses) qui sont routables entre opérateurs. Les normes de l'IANA et du
+RIPE en matière d'allocation réservent ces adresses aux détenteurs d'un numéro
+d'AS sur 16 bits. En IPv6, c'est totalement différent, le multicast est utilisé
+pour différentes fonctions, aussi bien sur le réseau local que sur le réseau
+global.
+
+[4[13]] Si les opérateurs appliquent un traitement particulier aux flux
+multicast, il y a une raison. C'est que le moindre petit pétouille dans le
+transport d'un flux télé va se voir. Du coup il faudrait avoir une notion de
+niveau de priorité dans les points d'interconnexion, revoir toute la
+configuration de tous les équipements, etc. Bref, c'est déstabilisant pour les
+points d'interconnexion actuels.
+
+[5[14]] C'est le petit nom du protocole qui gère le routage multicast.
+
+[6[15]] Le geoblocking c'est le fait qu'un service ou un contenu soit
+disponible ou non sur une base géographique. Par exemple que le flux direct sur
+le Web de telle chaîne de télé soit disponible pour les internautes français
+mais bloqué pour les autres. La Commission y est opposée, arguant a juste
+raison que tous les citoyens d'Europe sont égaux.
+
+[7[16]] DSM, pour les intimes. L'idée est de faire sauter les frontières
+artificielles entre les pays d'Europe en matière de numérique pour que
+l'ensemble de l'Union forme un seul marché. Il y a du boulot pour ça. Tiens,
+rien que le paiement en ligne... Mais ne nous éloignons pas du sujet.
+
+[8[17]] Ce que nous proposons là n'est pas une chimère ou un pur fantasme de
+théoricien qui n'a jamais touché un routeur. Ce réseau a existé par le passé,
+sous une forme expérimentale, le mbone, dans les années 90. Il permettait par
+exemple aux étudiants et chercheurs en France de visionner en direct les flux
+émis sur ce réseau multicast depuis la NASA. Il a été mis de côté parce que les
+technologies autour du multicast étaient peu développées et immatures. Mais ces
+technologies sont de nos jours abondamment utilisées par tous les opérateurs
+pour diffuser la télévision linéaire. Les équipementiers ont fait des progrès.
+Les logiciels sont plus aboutis. Le multicast est aussi une pièce centrale
+d'IPv6. Ce mbone européen peut donc fonctionner de nouveau.
+
+[9[18]] Une plateforme centrale, au niveau de l'Europe entière, qui sait quel
+individu est abonné à quelle chaîne de télévision, c'est de la surveillance
+massive de la population. Ça n'a aucune chance de bien se terminer. Et en plus
+c'est un point de faiblesse du réseau.
+
+Liens:
+[1]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-1 (lien)
+[2]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-2 (lien)
+[3]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-3 (lien)
+[4]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-4 (lien)
+[5]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-5 (lien)
+[6]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-6 (lien)
+[7]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-7 (lien)
+[8]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-8 (lien)
+[9]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#pnote-86-9 (lien)
+[10]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-1 (lien)
+[11]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-2 (lien)
+[12]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-3 (lien)
+[13]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-4 (lien)
+[14]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-5 (lien)
+[15]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-6 (lien)
+[16]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-7 (lien)
+[17]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-8 (lien)
+[18]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/20/La-diffusion-de-la-television-lineaire-comme-service-gere#rev-pnote-86-9 (lien)