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--- /dev/null
+++ b/Chmage_technique__la_DGSE_.txt
@@ -0,0 +1,206 @@
+Titre: Chômage technique à la DGSE ?
+Auteur: Benjamin Bayart
+Date: Thu 03 Sep 2015 10:00:00 +0200
+Lien: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE
+
+Un décret secret d'avril 2008 organise la surveillance des communications
+internationales. Or le Conseil constitutionnel a clairement expliqué que seule
+la loi pouvait le faire, et qu'en plus elle devait être suffisamment précise
+sur les garanties apportées. L'équipe habituelle des exégètes amateurs, en
+partenariat avec le cabinet Spinosi et Sureau, a décidé d'attaquer en référé le
+décret en question.
+
+La décision du Conseil constitutionnel
+
+Dans la décision qu'il a rendu fin juillet sur la loi sur le renseignement, le
+Conseil constitutionnel a censuré très peu de choses. Mais dans ce peu de
+choses, il y a l'article qui organisait la surveillance des communications
+émises ou reçues depuis l'étranger. Le motif de la censure est exposé assez
+clairement : la loi ne dit pas quels contrôles existent avant une interception,
+ni combien de temps sont conservées les données interceptées, alors que pour le
+reste (la surveillance généralisée du bon peuple de France) la loi donne ces
+informations.
+
+Ça peut ne pas être clair pour les gens qui ne mangent pas du droit à tous les
+repas. Ça dit que ces informations doivent être précisées dans la loi. Pas dans
+le décret d'application, pas dans une note de service, pas dans une circulaire
+interne, mais dans la loi. C'est le pouvoir législatif qui doit dire dans
+quelles conditions les services secrets peuvent espionner qui, pour quelle
+raison, etc.
+
+Juste pour mémoire, une loi, c'est voté par le parlement, qui détient le
+pouvoir législatif. Quand le parlement ne veut pas rentrer dans trop de
+détails, la loi dit un truc comme un décret précise les conditions
+d'application du présent article. Un décret, c'est un peu comme le règlement
+intérieur d'une association, ça fixe les détails. C'est fait par le
+gouvernement, sans passer par le parlement. C'est modifiable par le
+gouvernement, n'importe quand. Et ça oblige : les citoyens et l'administration
+doivent faire ce qui est prévu par le décret.
+
+Les décrets sont normalement publiés au Journal Officiel. Ils constituent par
+exemple la deuxième partie de tous les codes, la partie règlementaire. Les
+article Lxxx sont les articles de la loi, les articles Rxxx sont les articles
+des décrets pris devant le Conseil d'État (règlementaires), et les articles
+Dxxx sont les articles des décrets simples, que le gouvernement ne fait même
+pas relire par le Conseil d'État.
+
+Un décret, ça dit ce que l'administration peut faire, comment elle s'organise,
+ça dit également ce que les citoyens doivent faire. Le décret qui dit ce que la
+DGSE a le droit d'espionner, pourquoi est-il secret ? Pour que les affreux
+étrangers qui veulent nous envahir ne sachent pas ce qu'on écoute ? Foutaise,
+ils le savent très bien, et s'ils ne le savent pas ils s'en doutent, ils font
+pareil comme espionnage. Mais, en quoi est-ce secret, de savoir que la DGSE est
+autorisée à écouter tous les câbles sous-marins qui arrivent en France ? Tout
+le monde le sait. C'est peut-être illégal, d'accord. Mais secret ?
+
+Le concept même de décret secret est étrange. Comme une loi secrète, une loi
+que personne ne connait, mais qu'une police secrète fait appliquer... Comment
+voulez-vous vous en protéger ? Comment se défendre face au tribunal ? Il est
+admis par toutes les cours qu'une loi secrète, c'est contraire à la notion
+d'État de droit. Il nous semble que la notion de décret secret, c'est
+sensiblement la même chose.
+
+Comment était organisé le renseignement avant
+
+Pendant les débats à propos de la loi sur le renseignement, ses défenseurs nous
+ont expliqué longuement que cette loi était nécessaire parce que l'ancien
+système était moins bien. Cet ancien système, selon eux, reposait entièrement
+sur la loi de 1991 sur les écoutes téléphoniques et sur des décrets non-publiés
+(c'est à dire secrets) pour tout le reste.
+
+La loi de 1991 ne parle que des écoutes téléphoniques en France. Comme les gens
+de la DGSE ne sont pas payés à faire des cocottes en papier, ils doivent bien
+s'occuper un peu, et dans leurs outils, il y a nécessairement de l'interception
+de communications internationales. Elle seraient donc, d'après les déclarations
+des défenseurs de la loi, organisées par un décret secret.
+
+Il se trouve que, quelque semaines avant que le Conseil constitutionnel ne
+rende sa réponse, l'Obs publiait un article[1] expliquant que cette
+surveillance des communications internationales est régie par un décret secret
+qui date d'avril 2008.
+
+La conclusion est évidente : ce décret est contraire à la constitution,
+puisqu'il dit des choses que seule une loi peut dire (c'est un excès de
+pouvoir).
+
+Attaquer le décret.
+
+En toute logique, le gouvernement, soucieux de respecter les libertés
+individuelles, et très attaché à notre constitution, aurait dû abroger ce
+décret pris en excès de pouvoir dans les jours suivant la décision du Conseil
+constitutionnel. Ce n'est manifestement pas le cas.
+
+Il reste donc que la surveillance internationale existe, qu'elle existe de
+manière illégale^[1[2]]. Que la loi sur le sujet ne lui donne pas de base
+légale, puisque l'article qui en parlait a été censuré par le Conseil
+constitutionnel. Et que manifestement, tout va continuer tranquillement...
+Illégalement.
+
+Et pourtant, tout ça parle des communications émises ou reçues de l'étranger.
+Quand vous discutez en message privé sur twitter, ou dans le chat de Facebook,
+même si votre interlocuteur est dans la pièce à côté, tout ça transite par les
+États-Unis à un moment ou à un autre. On organise donc, sans contrôle, et en
+toute illégalité, la surveillance de pans entiers des communications
+électroniques de tout le monde. Peinard.
+
+Se battre contre du vent
+
+Mais voilà, comment attaquer un décret secret... C'est que déjà, on ne peut
+même pas désigner le décret lui-même, nous ne connaissons pas son titre exact,
+ni son numéro. Il n'a peut-être même pas de numéro^[2[3]]. Pour attaquer une
+décision de l'administration, il faut envoyer le texte de la décision qu'on
+attaque, pour que le juge se fasse une opinion. Sauf que là, le texte est
+secret, comment peut-on le transmettre au juge ?
+
+Seul point vraiment positif, le délai de procédure. On peut attaquer une
+décision dans les deux mois qui suivent sa publication. Dans la mesure où le
+décret n'a pas encore été publié, les deux mois ne sont pas révolus ! Magique.
+
+Il y a des précédents, mais pas nombreux, de décrets non-publiés et qui ont été
+contestés. L'équipe de Me Spinosi, qui bosse sur ce dossier avec nous, a trouvé
+quelques morceaux de jurisprudence qui peuvent nous servir de base. En gros,
+l'idée est que c'est le travail du Conseil d'État de s'assurer que le décret
+existe, de trouver sa référence exacte, et de contrôler la légalité du texte,
+sans pour autant nous communiquer le texte en question.
+
+Et pour quel résultat ?
+
+Attaquer le décret qui organise ça peut sembler stérile, quand on y réfléchit
+un petit peu. Il est peu probable que le Conseil d'État renvoie au chômage
+technique tous les fonctionnaires de la DGSE et fasse fermer tout l'espionnage
+français. Donc l'affaire va trainer, le temps que le gouvernement fasse voter
+la loi dont il a besoin, et à la fin, la loi étant votée, le décret illégal
+sera abrogé, faisant tomber notre recours.
+
+Même si on veut accélérer le mouvement en attaquant en référé, ce qui est notre
+cas, il est possible que le Conseil d'État nous dise qu'il n'y a pas d'urgence
+à statuer puisque le décret existe depuis 2008. Et laisse ainsi une porte de
+sortie honorable au gouvernement.
+
+Il n'empêche. Nous voulions que le gouvernement bouge sur le sujet. L'article
+de l'Obs, qui nous révélait l’existence du décret date du 1er juillet.
+Symboliquement, nous voulions donc déposer notre recours dans les deux mois
+après la publication de cet article. Le recours a donc été transmis lundi
+dernier, 31 août.
+
+Et curieusement, aujourd'hui, le 2 septembre, le gouvernement nous informe[4]
+qu'une proposition de loi sur le sujet va être déposée par un gentil député, et
+que le gouvernement lui fera une place dans l'agenda parlementaire. Efficace,
+non ?
+
+Bon, on peut trouver curieux que l'exécutif nous annonce, dans le compte rendu[5]
+du conseil des ministres, ce que les députés, au garde à vous, vont avoir envie
+d'écrire et de déposer comme texte d'ici la fin du mois de septembre. Mais tout
+le monde sait que le texte en question sera rédigé au ministère, puis transmis
+au député qui y apposera sa signature avant de déposer le texte à l'Assemblée.
+Un certain Jean-Jacques Urvoas, par exemple ? Si le gouvernement avait voulu
+déposer lui-même le texte, ce qu'il a tout à fait le droit de faire, il aurait
+fallu qu'il produise divers documents, dont une étude d'impact, expliquant les
+conséquences du texte. C'est bien pratique de pouvoir s'en passer.
+
+Et donc...
+
+Et donc l'équipe des exégètes amateurs^[3[6]] a travaillé, avec le cabinet
+Spinosi et Sureau sur un recours au fond^[4[7]] et sur un recours en
+référé-suspension^[5[8]]. Pour lancer un référé, il faut qu'il existe un
+recours au fond. Du coup, le texte du recours au fond est pour le moment très
+court, il sera complété quand la procédure avancera. En revanche, le texte du
+recours en référé est nettement plus précis : c'est lui qui sera traité dans
+les semaines qui viennent par le Conseil d'État.
+
+Conformément à nos habitudes, le texte du recours au fond[9] et le texte du
+recours en référé[10] sont en ligne. Bonne lecture :)
+
+Notes
+
+[1[11]] Les gens du gouvernement préfèrent dire alégal, comme quoi ça serait
+sans doute moins grave...
+
+[2[12]] On a bien tenté de passer le journal officiel en revue histoire de
+chercher des trous dans la numérotation, mais non, ce n'est pas aussi simple :(
+
+[3[13]] Toujours la même équipe, composée de geeks et de juristes, empruntés à
+FDN, FFDN et LQDN.
+
+[4[14]] Procédure classique, on demande au Conseil d'État d'abroger le décret
+illégal.
+
+[5[15]] Procédure accélérée, en urgence, parce qu'il y a des libertés
+fondamentales qui sont bafouées.
+
+Liens:
+[1]: http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20150625.OBS1569/exclusif-comment-la-france-ecoute-aussi-le-monde.html (lien)
+[2]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#pnote-82-1 (lien)
+[3]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#pnote-82-2 (lien)
+[4]: http://www.nextinpact.com/news/96365-renseignement-executif-annonce-proposition-loi-sur-surveillance-internationale.htm (lien)
+[5]: http://www.elysee.fr/assets/Uploads/02.09-Compte-rendu-du-Conseil-des-ministres.pdf (lien)
+[6]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#pnote-82-3 (lien)
+[7]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#pnote-82-4 (lien)
+[8]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#pnote-82-5 (lien)
+[9]: http://blog.fdn.fr/public/fond-surv-intl.pdf (lien)
+[10]: http://blog.fdn.fr/public/refere-surv-intl.pdf (lien)
+[11]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#rev-pnote-82-1 (lien)
+[12]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#rev-pnote-82-2 (lien)
+[13]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#rev-pnote-82-3 (lien)
+[14]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#rev-pnote-82-4 (lien)
+[15]: http://blog.fdn.fr/?post/2015/09/02/Ch%C3%B4mage-technique-%C3%A0-la-DGSE#rev-pnote-82-5 (lien)