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author | neodarz <neodarz@neodarz.net> | 2017-03-10 11:58:22 +0100 |
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committer | neodarz <neodarz@neodarz.net> | 2017-03-10 11:58:22 +0100 |
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diff --git a/Conservation_gnralise_des_donnes__un_coup_port__la_surveillance_de_masse_.txt b/Conservation_gnralise_des_donnes__un_coup_port__la_surveillance_de_masse_.txt new file mode 100644 index 0000000..b2c41ef --- /dev/null +++ b/Conservation_gnralise_des_donnes__un_coup_port__la_surveillance_de_masse_.txt @@ -0,0 +1,154 @@ +Titre: Conservation généralisée des données : un coup porté à la surveillance de masse ! +Auteur: neurone648 +Date: Thu 22 Dec 2016 12:01:44 +0100 +Lien: https://www.laquadrature.net/fr/allo-conseil-detat + +Paris, 22 décembre 2016 — La Cour de justice de l'Union européenne a rendu un +arrêt très important[1] le 21 décembre dernier, en condamnant le principe de +conservation généralisée des données par les opérateurs, y compris lorsque ce +sont les États qui souhaitent instaurer ce principe notamment pour des +questions liées à la sécurité et à la lutte contre la criminalité. La +conservation de données doit rester l'exception et non la règle, et ne peut +être pratiquée qu'avec de sérieux garde-fous, à cause de la violation très +sérieuse du droit au respect de la vie privée que constitue cette conservation. +La Quadrature du Net salue cette décision extrêmement positive et demande au +gouvernement français de prendre enfin acte des décisions européennes, en +abrogeant l'ensemble des législations touchant à la conservation et à +l'exploitation des données de connexion des internautes. + +L'arrêt du 21 décembre fait suite à une autre décision très importante de la +CJUE, l'arrêt Digital Rights Ireland. En avril 2014, la CJUE avait invalidé la +directive européenne de 2006 faisant obligation aux États membres d'organiser +la collecte et la conservation générale des données de connexion des +internautes européens. Déjà, la CJUE considérait que cette conservation +systématique des données de connexion portait atteinte de façon trop importante +au droit au respect de la vie privée : même sans se pencher sur l'utilisation +ultérieure de cette conservation de données, le fait même de les conserver par +défaut instaure une intrusion systématique dans la vie et l'intimité des +citoyens. + +Ce nouvel arrêt de la CJUE est une conséquence de celui de 2014[2] : à la suite +de Digital Rights Ireland, une grande partie des pays européens ont abrogé leur +législation, et La Quadrature du Net s'en était félicitée[3]. Mais plusieurs +autres pays ne l'ont pas fait, dont le Royaume-Uni, la Suède et la France. + +Concernant la France, les Exégètes amateurs[4], regroupant FDN, FFDN et La +Quadrature du Net, ont attaqué[5] la législation française devant le Conseil +d'État, mais celui-ci a considéré que la France n'était pas concernée par +l'arrêt Digital Rights et a omis de poser la question officiellement à la CJUE, +malgré la demande explicite des Exégètes. La décision d'hier de la CJUE met le +Conseil d'État devant ses propres contradictions et marquera sans aucun doute +une étape importante dans les affaires qui opposent les Exégètes amateurs à +l'État français et dans la lutte contre la surveillance de masse. + +En ce qui concerne la Suède et le Royaume-Uni, deux contestations nationales +ont été transférées à la CJUE, et sont donc à l'origine de cet arrêt. La Cour +de justice de l'Union européenne a décidé le 21 décembre que les États +n'avaient pas à imposer aux opérateurs cette conservation générale des données, +sous peine de porter atteinte de façon disproportionnée à la vie privée de +leurs administrés. Une conservation de données par les fournisseurs de services +ne devrait être que limitée, et en aucun cas généralisée. Il en va, pour la +CJUE, du respect de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et +notamment des droits fondamentaux au respect de la vie privée, à la protection +des données personnelles mais également à la liberté d'expression. La Cour +réaffirme que les données de connexion occupent une place primordiale dans nos +vies, et que toute collecte systématique de ces données de connexion et de +localisation est une forme de surveillance : + +« Prises dans leur ensemble, ces données sont susceptibles de permettre de +tirer des conclusions très précises concernant la vie privée des personnes dont +les données ont été conservées, telles que les habitudes de la vie quotidienne, +les lieux de séjour permanents ou temporaires, les déplacements journaliers ou +autres, les activités exercées, les relations sociales de ces personnes et les +milieux sociaux fréquentés par celles-ci ». + +« L’ingérence que comporte une telle réglementation dans les droits +fondamentaux [...] s’avère d’une vaste ampleur et doit être considérée comme +particulièrement grave. La circonstance que la conservation des données est +effectuée sans que les utilisateurs des services de communications +électroniques en soient informés est susceptible de générer dans l’esprit des +personnes concernées le sentiment que leur vie privée fait l’objet d’une +surveillance constante. » + +« Même si une telle réglementation n’autorise pas la conservation du contenu +d’une communication et, partant, n’est pas de nature à porter atteinte au +contenu essentiel desdits droits (voir, par analogie, en ce qui concerne la +directive 2006/24, arrêt Digital Rights, point 39), la conservation des données +relatives au trafic et des données de localisation pourrait toutefois avoir une +incidence sur l’utilisation des moyens de communication électronique et, en +conséquence, sur l’exercice par les utilisateurs de ces moyens de leur liberté +d’expression, garantie à l’article 11 de la Charte. » + +Cette décision est extrêmement positive. Elle renforce ce qui commence à +devenir une position ferme de la CJUE concernant l'impact de la collecte +systématique de données : la collecte de données est une forme de surveillance +en tant que telle, avant même toute exploitation. En tant qu'outil de +surveillance, la collecte de données doit être très strictement encadrée et +utilisée uniquement lors de cas précis, ciblés, graves et proportionnés. + +C'est un véritable camouflet pour les politiques de surveillances qui se +multiplient au sein de l'Union européenne. Notamment pour la France, qui +multiplie depuis des années les législations allant dans ce sens, et refuse de +se sentir concernée par les signaux de plus en plus clairs envoyés par la plus +haute juridiction européenne. + +Cependant la décision de la CJUE laisse quelques points d'obscurité ou +d'insécurité qu'il faudra préciser dans le cadre des nouvelles législations qui +ne manqueront pas de devoir être votées dans le futur, y compris en France : + + * la CJUE demande un contrôle préalable par une autorité indépendante. La + Quadrature du Net et les organisations de défense des droits fondamentaux + ont toujours demandé à ce que ce contrôle soit effectué sous l'autorité + d'une justice indépendante. À défaut, et concernant les accès + administratifs aux données de connexion, il faudra donc veiller, au + minimum, à renforcer l'indépendance des membres des autorités de contrôle, + et en particulier de la CNCTR (notamment s'agissant de la qualité et du + processus de nomination des membres, du caractère contraignant des avis, du + respect du principe de contradictoire et de l'article 6 de la CEDH, du + principe de notification aux personnes surveillées). + * au delà de la question de la surveillance des citoyens par le biais de la + conservation des données de connexion, il faudra également se pencher sur + les pratiques de l'institution judiciaire, qui recourt de façon extrêmement + massive à l'utilisation de ces données de connexion et de localisation, y + compris dans le cadre d'enquêtes n'appartenant pas au régime de criminalité + grave ou du terrorisme1[6]. + +Plus généralement, cet arrêt de la CJUE va devoir poser les questions +politiques indispensables à notre temps, après deux décennies de course à la +surveillance via la conservation des données de connexion : comment +reconstruire un système où l'équilibre des droits est respecté ? La plus haute +juridiction européenne demande de stopper l'usage massif des données de +connexion, y compris pour des motifs affichés de sécurité. Il y a donc de +nouvelles méthodes à inventer, un nouvel équilibre à trouver, des choix +politiques à faire sur la nécessité absolue du respect des droits fondamentaux, +y compris lors de périodes troublées où les décideurs politiques ont tôt fait +de sacrifier ces droits fondamentaux au profit de politiques sécuritaires dont +il n'a pas non plus été prouvé qu'elles étaient plus efficaces grâce à la +surveillance. La Quadrature du Net espère que cette décision de la CJUE fera +avancer le droit français dans le bon sens, et influera notamment sur les +divers recours suivis par les Éxégètes amateurs devant les juridictions +françaises et européennes : « Alors que nous avons vécu 15 ans pendant lesquels +l'invocation - souvent trompeuse - de la sécurité semblait suffire à justifier +une érosion permanente de l'État de droit, jusqu'à permettre que tous soient +surveillés partout et tout le temps, la Cour de Justice envoie aux États un +rappel aux droits. Nous nous efforcerons par toutes nos actions - juridiques +avec les Exégètes amateurs, comme politiques - de faire en sorte que nul ne +l'oublie » déclare Philippe Aigrain, co-fondateur de La Quadrature du Net. + +Lire également le communiqué de presse des Éxégètes amateurs[7] + + * 1.[8]Rapport de la délégation parlementaire au renseignement 2014, p. 77[9] + qui donne le chiffre de 650 000 réquisitions en 2012 dont 35 000 + interceptions judiciaires + + +Liens: +[1]: http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d52719d5fbc6b54cd0a9bea76fe611b947.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxyKbx10?text=&docid=186492&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=570156 (lien) +[2]: http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2014-04/cp140054fr.pdf (lien) +[3]: https://www.laquadrature.net/fr/retention-des-donnees-la-cjue-denonce-le-fichage-systematique-des-communications (lien) +[4]: https://exegetes.eu.org/ (lien) +[5]: https://exegetes.eu.org/dossiers/lpm.html (lien) +[6]: https://www.laquadrature.net/fr/rss.xml#footnote1_4zzktl7 (lien) +[7]: https://exegetes.eu.org/tele2/ (lien) +[8]: https://www.laquadrature.net/fr/rss.xml#footnoteref1_4zzktl7 (lien) +[9]: http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-off/i2482.pdf (lien) |