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diff --git a/Libert_de_choix_du_terminal.txt b/Libert_de_choix_du_terminal.txt new file mode 100644 index 0000000..acaa8f2 --- /dev/null +++ b/Libert_de_choix_du_terminal.txt @@ -0,0 +1,236 @@ +Titre: Liberté de choix du terminal +Auteur: Benjamin Bayart +Date: Wed 18 May 2016 12:37:00 +0200 +Lien: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal + +Dans les éléments constitutifs d'un accès ouvert au réseau Internet tel que +défini par le règlement européen sur les télécoms adopté récemment, il y a le +fait que l'utilisateur final puisse utiliser le terminal de son choix. + +Cet élément se comprend bien quand on parle de l'accès mobile : on doit pouvoir +utiliser le téléphone, ou le smartphone, qu'on veut, et pas celui imposé par +l'opérateur du réseau auquel on est raccordé. + +Mais ça devient très vite plus compliqué quand on parle de l'accès à Internet +fixe : la box est-elle un terminal, et doit-elle être découplée de l'accès +lui-même ? + +Le cas pas si simple du mobile + +Les smartphones sont tous conçus sur un modèle relativement similaire. Deux +ordinateurs cohabitent dans le téléphone, qui font tourner deux systèmes +d'exploitation différents. L'un est ce qu'on appelle le baseband, qui gère la +liaison avec le réseau, l'essentiel de la partie radio/GSM. L'autre est celui +qu'on manipule via un écran tactile. + +Le texte du règlement européen ne rentrant pas dans ce genre de détails, et les +téléphones n'étant pas démontables, il en résulte qu'ayant le choix du +terminal, on a le choix (sans le faire exprès) du module de connexion au +réseau. + +Les projets en cours sur ces sujets-là emportent, à mon sens, un enjeu +stratégique trop souvent mis de côté par le régulateur et le législateur : la +confiance que l'utilisateur accorde, parfois un peu légèrement, à un +intermédiaire technique dont il n'a pas forcément conscience. + +On a vu par exemple que le téléphone mobile est un outil de choix pour la +surveillance de masse de la population (cf. révélations Snowden), que c'est un +outil parfait pour cibler un individu, et que la partie radio est capable de +prendre la main sur le système central et de le modifier. C'est par exemple ce +qui se passe avec certains services contre le vol : le légitime propriétaire du +téléphone va sur le site de fabriquant, signale qu'il veut que le terminal soit +détruit, et lors de sa prochaine connexion sur le réseau, un message technique +sera envoyé à la partie radio qui prendra la main sur le système principal, et +effacera toutes les données. + +C'est un vrai service rendu à l'utilisateur. Mais c'est aussi le signe que +toutes les données de l'utilisateur sont à portée du constructeur et de +l'opérateur réseau. Avec l'accord de l'utilisateur final. Ou sans cet accord. +Et alors la liberté de choix du terminal prend un sens très fort. +Souhaitons-nous accorder de tels pouvoirs à des intermédiaires techniques, et +si oui, lesquels ? + +Le découpage du fixe + +Dans le cas de l'accès fixe à Internet, le découpage est beaucoup plus visible. +Tellement visible qu'il finit parfois par être encombrant dans le salon. +L'utilisateur final a en général deux ou trois boîtiers interconnectés. L'un +est le convertisseur entre l'arrivée en fibre optique et une arrivée réseau +plus classique, en RJ45 le plus souvent. Cet équipement est intrinsèquement lié +au réseau. C'est lui qui est adapté à la couleur qui circule sur la fibre, et +au type de modulation employée (GPON, ethernet, etc)^[1[1]]. Cet élément est +souvent embarqué dans la box dans le cas de l'ADSL tel qu'il se pratique en +France. + +Le second élément est celui qu'on appelle la box, parce que c'est joli en terme +de marketing. En pratique, c'est un routeur, qui embarque le modem dans le cas +de l'ADSL. C'est cet équipement qui est connecté à Internet, qui dispose d'une +adresse IP, qui propose du réseau Wifi pour le réseau local, qui réalise le +partage de connexion entre le réseau local et Internet, etc. Cet équipement, +quand la partie modem en est détachée, est parfaitement standard. Il n'a rien +de vraiment lié au réseau. C'est un petit routeur, tout ce qu'il y a de plus +simple. À tel point qu'avec un tout petit effort, on peut le remplacer par un +système de son choix. Mais il ne faut pas le dire à l'opérateur, ça le perturbe^ +[2[2]]. + +Le troisième élément est le décodeur télé. Il intègre aussi d'autres fonctions, +comme l'accès à une plate-forme de vidéo facturée au visionnage (dite vidéo à +la demande). C'est ce décodeur télé qui est identifié par la plateforme de +diffusion de vidéo, soit directement par un identifiant, soit via une carte +d'abonnement, pour pouvoir déchiffrer les flux vidéos des chaînes payantes, +soit pour savoir à qui on devra facturer le visionnage du film acheté. Cet +équipement est couplé à l'offre de vidéo. Il n'est pas couplé au réseau. Les +éléments techniques qu'il met en jeu ne sont pas liés au réseau en lui-même, +mais à la plateforme de service. + +Enfin, il est à noter que le service de téléphonie est assuré soit par la box, +dans le cas des accès fibre et ADSL, soit par un équipement entièrement +distinct, dans le cas de certains abonnements au câble. Techniquement, ce +service pourrait complètement être découplé de l'abonnement à Internet, en +étant un service entièrement à part, c'est par exemple le cas quand on prend un +abonnement VoIP chez OVH. + +Étranglons tout de suite le décodeur télé + +En effet, le cas du décodeur télé est assez simple. D'une part il n'est pas lié +à l'accès à Internet : qu'on le débranche et l'accès Internet fonctionne au +moins aussi bien, si ce n'est mieux (le flux télé n'étant plus transporté, la +bande passante disponible sur la ligne est augmentée, sur l'ADSL c'est +sensible, sur la fibre ça ne se voit pas). Ne faisant pas partie de la chaîne +d'accès à Internet, il ne peut pas être considéré comme partie intégrante du +réseau. Il n'est donc qu'une partie du service de vidéo. Ce décodeur télé n'est +donc pas un terminal utilisé pour le service d'accès au réseau, mais un +terminal utilisé pour un service au-dessus du réseau. + +Ce n'est pas le sujet ici, mais le service de vidéo n'a aucune raison d'être +couplé avec le service d'accès à Internet. C'est un cas assez clair de vente +lié et d'effet de bras de levier pour imposer un choix à un consommateur +captif. + +Regardons le modem + +Dans le cas du RTC (le réseau téléphonique bas débit du siècle dernier), comme +dans le cas de l'ADSL, l'utilisateur final était libre de choisir son modem. +Soit de prendre celui de l'opérateur, soit de prendre celui qu'il lui plaira +acheté chez un marchand autre. C'est par exemple ce qui se produit pour les +accès ADSL livrés en collecte^[3[3]]. C'est l'utilisateur final, ou son +opérateur alternatif, qui choisit le modem, ce n'est pas une contrainte +spécifique du réseau. + +Les normes techniques des réseaux sont connues. Elles ne sont en général pas +spécifiques à un opérateur donné, mais à une technologie donnée. La question +juridique de savoir si le modem est un élément du réseau, ou si c'est un +terminal se tranche probablement en considérant le modem comme le dernier +élément du réseau. Mais il se trouve qu'il est techniquement très simple, et +que donc il pourrait être librement choisi par l'utilisateur, même si ce libre +choix n'est pas imposé par le règlement européen. + +La question de la définition réglementaire du modem quand il est incorporé dans +un autre équipement semble peu intéressante. Soit on considère que c'est le +statut de l'équipement englobant qui l'emporte, et alors le modem est intégré à +un terminal qui doit être au libre choix de l'utilisateur. Soit on considère +que c'est le statut du modem, dernier maillon du réseau, qui l'emporte, et +alors il doit être au choix de l'utilisateur parce que le modem est un élément +standard simple et remplaçable comme on a vu ci-dessus. Si le libre choix de +l'utilisateur est obligatoire, alors l'utilisateur final doit avoir accès à une +version de l'abonnement où les deux équipements sont séparés, sans sur-coût +inutile (ergo, avec une ristourne significative quand il se passe d'un +équipement ou des deux). + +On devrait donc arriver à une situation de marché où il est admissible que +l'utilisateur n'ait pas le libre choix du modem en vertu du règlement européen +sur les télécoms, mais où ce libre choix découlerait du droit de la concurrence +et du droit de la consommation, et où les abonnements sans modem seraient moins +chers que les abonnements avec modem. Toutes les autres combinaisons +correspondent à un dysfonctionnement du marché, et devraient donc être +corrigées par la régulation, côté ARCEP ou côté DGCCRF, selon. + +Selon cette lecture, le modem n'est donc pas un terminal au sens du règlement +européen, c'est le dernier élément du réseau, il est contraint de respecter les +choix techniques du réseau (un modem ADSL ne marchera pas sur de la fibre, par +exemple). Reste à savoir si la box est un terminal au sens du règlement. + +La box est-elle un terminal ? + +Pour le régulateur, c'est probablement la question la plus complexe. Et +pourtant, une fois qu'on a dégrossi les deux questions précédentes, la réponse +devient assez simple. + +La partie modem est le point de terminaison du réseau, elle est un élément du +réseau, et ne peut donc pas être considérée comme un terminal au sens du +règlement européen. + +Les parties liées au service, que ce soit le module de téléphonie sur IP, ou le +décodeur télé, ne sont pas liées à l'accès au réseau, et doivent donc être +considérés comme des terminaux liés aux services que l'utilisateur final a +souscrit. Que ces services soient couplés ou non à l'accès à Internet est une +toute autre affaire, qui relève de le vente liée et donc du droit de la +concurrence, ou qui relève du règlement si le réseau opère une priorisation +abusive de ces services. Mais la question du terminal ne se pose pas. + +La box, une fois ce découpage fait, c'est un simple routeur. Ce routeur monte +la connexion, détient l'adresse IP publique, gère le partage de connexion, +bref, réalise l'accès au réseau, et connecte les services qui disposent d'une +priorité particulière. Cet équipement est le terminal qui gère la connexion au +réseau. C'est cet équipement qui permet par exemple de faire suivre les +connexions Web vers l'ordinateur qui est chargé, chez l'utilisateur final, de +diffuser un site web (fourniture des services de son choix au sens du +règlement). C'est typiquement cet équipement qui peut se charger de faire du +contrôle parental pour que ce contrôle soit effectif sur tous les systèmes +raccordés en Wifi au réseau familial. + +Quand le règlement européen parle du terminal au libre choix de l'utilisateur +final, c'est forcément de la box, simple routeur domestique, qu'il est en train +de parler, tous les autres éléments étant en fait les services, que le +règlement évoque séparément. + +Conséquences + +En organisant cette lecture strictement technique de ce qui est un terminal ou +non dans l'offre d'accès au réseau, et le découpage entre le réseau et les +services, on obtient une lecture assez claire de ce que le règlement européen +dit. + +L'opérateur est libre d'imposer un modem précis. La box, le routeur domestique, +doit être au libre choix de l'utilisateur final. Il doit donc exister une offre +sans la box, et cette offre peut contenir le modem, détaché de la box. + +Pour le modem, c'est le droit normal de la concurrence qui va s'appliquer. Si +c'est un modem standard, respectant une norme bien connue, et que pour cette +norme il existe déjà un marché ouvert, il est probable qu'il soit lui aussi au +libre choix de l'utilisateur final. + +Les terminaux que sont les ordinateurs et tablettes sont génériques, utilisés +pour accéder à l'ensemble des services disponibles sur Internet. Les terminaux +spécifiques (décodeur télé, module de téléphonie, etc) sont rattachés au +service, et c'est dans le cadre de l'analyse de ce service, détaché du réseau, +que doit se faire l'analyse d'une possible vente liée entre le service et le +terminal. + +Notes + +[1[4]] Ici je me limite à l'exemple de la fibre. Mais le raisonnement est le +même en RTC, en ADSL, en Wifi, en Wimax ou en câble : il y a un équipement qui +est intrinsèquement lié à la technologie de transmission utilisée sur le lien +de raccordement de l'abonné. On peut appeler cet équipement convertisseur, +modem, etc. Le raisonnement est toujours le même. + +[2[5]] Le support technique, en particulier est très perturbé quand on lui dit +qu'on n'utilise pas la MachinBox. Du coup il ne faut pas le dire. Et tout se +passe très bien. + +[3[6]] On parle de livraison en collecte, ou en bitstream dans le jargon ARCEP, +ou encore d'offre allumée dans le cas de la fibre optique, pour décrire les +offres destinées aux petits opérateurs, où ils ne déploient pas d'équipements +au plus près de l'abonné, et se font livrer le trafic de chaque ligne +directement sur leur routeur. Dans le grand public, on parle de non-dégroupé +pour décrire ces offres ADSL. C'est typiquement ce qui est utilisé par les +associations membres de la Fédération FDN qui font de l'accès ADSL. + +Liens: +[1]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal#pnote-85-1 (lien) +[2]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal#pnote-85-2 (lien) +[3]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal#pnote-85-3 (lien) +[4]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal#rev-pnote-85-1 (lien) +[5]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal#rev-pnote-85-2 (lien) +[6]: http://blog.fdn.fr/?post/2016/05/18/Liberte-de-choix-du-terminal#rev-pnote-85-3 (lien) |