Titre: Contribution à propos du streaming Auteur: Bruno Date: Fri 01 Jul 2011 14:14:46 +0200 Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2011/07/01/contribution-a-propos-du-streaming/ [Dans le cadre du lab proprieté intellectuelle, un appel à contribution [1]a été lancé a propos du streaming. Ci dessous ma réponse que je trouve un peu hors sujet mais qui a été jugée digne d'intérêt] ------------------------------------------------------------------------------ [image 2: labs]Cette contribution est à caractère technico-généraliste. J’essaie de donner une perspective « usages & logique » au débat et j’avoue avoir de nombreuses lacunes juridiques. J’espère ne pas avoir tartiné trop de bêtises. Merci de me corriger au besoin ! Dans le premier paragraphe, le streaming est opposé au peer2peer. C’est symptômatique du débat naissant qui oppose les deux alors que les deux technologies n’ont rien de similaire et ne se situent absolument pas au même niveau. Petit mémo technique donc : Le peer2peer englobe l’ensemble des logiciels permettant de faire transiter directement l’information d’un point du réseau à un autre sans passer par un intermédiaire. En ce sens, la quasi totalité des usages sur internet sont en mode peer2peer. Par abus de langage, le peer2peer est généralement cantonné dans la mémoire collective au seul échange de fichiers entre utilisateurs. On peut admettre qu’il est opportun dans le cadre de la réflexion en cours de se limiter à cette vision du peer2peer. Le streaming, fort bien résumé au début, permet d’accéder à la consultation d’un média quel qu’il soit alors que son téléchargement n’est pas encore terminé. Le-dit téléchargement peut être fait en mode client/serveur mais tout aussi bien en mode peer2peer, par exemple en collectant directement chez d’autres internautes les parties du fichiers nécessaires à sa diffusion dans le bon ordre. Plusieurs créateurs de protocoles peer2peer réfléchissent d’ailleurs en ce moment même à l’adaptation de ces protocoles pour leur permettre de répondre plus efficacement à ces nouveaux usages. Nous parlons donc bien d’un usage qui veut que le temps « mort » passé au téléchargement des contenus tende vers zéro, donnant l’illusion qu’on consulte des contenus sans les télécharger donc, théoriquement, sans reproduction à proprement parler, ce qui est bien entendu techniquement faux. La technologie de transmission sous-jacente n’est finalement qu’accessoire dans la description du principe de streaming, mais pour l’instant pas dans les implications légales. Les deux visions du streaming (lecture en continu ou en progressif) proposées ne me semblent pas pertinentes dans la mesure où le choix de stocker, même temporairement, le contenu diffusé sur le disque dur est un choix essentiellement opérationnel des développeurs et dicté par des impératifs de performance ou de facilité d’utilisation et non plus des impératifs légaux ou financiers. Dès lors, même si j’entends parfaitement qu’un stockage sur disque dur puisse constituer un acte de reproduction, il me semble plus pertinent de s’intéresser aux moyens pouvant être mis en oeuvre pour prévenir la captation, ou plus exactement, à constater l’impossibilité materielle de la prévenir à moindre frais ou efficacement. Il est par ailleurs tout à fait envisageable de considérer que la copie en mémoire vive, toute temporaire qu’elle soit, est juridiquement un acte de reproduction. Je ne reviendrai pas sur les prérogatives de l’auteur, cette partie étant essentiellement légale, et ce n’est pas mon rayon. Il me semble simplement important de garder à l’esprit que, si on met de côté la multiplication énorme du nombre de diffuseurs potentiels, le streaming reproduit trait pour trait les premières heures de la télédiffusion audiovisuelle à l’heure où le magnétoscope est apparu sur le marché, à ceci prêt que le dispositif permettant la captation n’est plus matériel mais logiciel, et donc beaucoup plus facile d’accès pour l’utilisateur. Sur le bénéfice des exceptions, en attendant l’avènement du streaming sur des protocoles peer2peer, force est de reconnaitre que le gros du contenu streamé aujourd’hui l’est depuis d’énormes plateformes centralisées. Difficile donc de considérer qu’il s’agit la d’usage 100% privé. Pour autant, il semble que la globalité du dispositif législatif s’intéresse plutôt au cas du diffuseur, et, pour quelques malheureux cas, au cas de l’intermédiaire technique qu’au cas du receveur. Le visiteur du site n’a, lui, de toute manière, aucun moyen réel de savoir si le contenu qu’il consulte est protégé ou pas (de nombreuses maisons de disques publient par exemple le clip phare de chaque artiste sur des plateformes comme Youtube ou Dailymotion, à coté de centaines de versions « non autorisées » du même contenu). Sachant qu’il n’effectue, à l’occasion de cette consultation, aucune rediffusion du contenu, il me semble qu’il est inattaquable juridiquement, qu’il ne fasse que consulter le contenu en streaming ou qu’il effectue une captation du-dit contenu. En réponse au 4.1 / 4.2, j’affirmerai donc que la personne consultant un média en streaming ne devrait pas être inquiété si ce contenu contrevenait au droit d’auteur, quand bien même elle effectuerait une captation, pour peu que celle-ci soit réservée à son usage propre. En matière de plateformes centralisées, celles-ci sont à priori considérées comme intermédiaire techniques et interviennent sur signalisation pour retirer d’éventuels contenus protégés. Je ne vois aucune raison valable de modifier ce principe de responsabilité instauré par la LCEN. Il serait même souhaitable d’une institution judiciaire puisse se pencher rapidement sur ce genre de cas, l’appréciation de la licéité d’un contenu étant aujourd’hui laissée à l’hébergeur ce qui, dans de nombreux cas, se révèle relativement difficile. Reste donc la responsabilité de la personne qui a effectué la mise en ligne. C’est à mon sens la seule responsabilité pouvant valablement (et humainement) être retenue. Reste à pouvoir retrouver ce responsable, et si possible autrement que par l’identification d’une adresse IP qui ne donnera qu’un potentiel coupable de non sécurisation, à la façon de réponse graduée instaurée par la loi sévissant aujourd’hui sur les technologies peer2peer. En réponse au 4.3, il ne me semble donc pas déraisonnable d’envisager une sanction contre la personne ayant effectué la mise en ligne. Il n’est par contre pas envisageable à mon sens de répéter l’erreur actuelle des lois hadopi consistant à taper sur le titulaire de l’abonnement internet plutôt que d’effectuer l’investissement nécessaire à la recherche du vrai responsable. Par ailleurs, cela suppose une coopération internationale qui me semble encore aujourd’hui difficile à obtenir et qui risquerait de pousser les plateformes de contenu à la délocalisation dans les paradis légaux, entrainant autant de fuite de capitaux, ce qui n’est pas plus souhaitable que la persévérance dans la voie de la négligence caractérisée. Nous arrivons donc au paradoxe du coupable introuvable qui, selon moi, à présidé à la création des lois hadopi et devrait pousser tous ceux qui s’intéressent au problème à changer de point de vue pour trouver une solution innovante ou, soyons fous, à considérer qu’un problème qui n’a pas de solution socialement acceptable n’existe pas. En conclusion, s’il est important de protéger la culture, pourquoi ne pas confier cette mission à hadopi, mais cette protection doit être faite avec les internautes et non contre eux. Dans ce cadre, et non spécifiquement à propos du streaming, il me semble important : * D’une part, de préciser clairement, dans le droit, les limites concrètes de l’exception pour la copie privée, de ce que couvre la taxe éponyme et les éléments sur lesquels elles devraient être assise. Quand je dis préciser clairement, je pense à une remise à plat permettant à un non juriste de comprendre exactement de quoi on parle. * D’autre part d’entamer enfin l’énorme travail de formation multigénérationnelle nécessaire à la prise en main de l’outil internet commme à la prise de conscience des conséquences de son utilisation, et ce, pas uniquement dans le (petit) domaine du droit d’auteur. * Et enfin, même si la loi ne le prévoit pas explicitement, d’associer beaucoup plus largement les créateurs de tous bords (y compris l’immense masse de créateurs non professionnels) aux actions entreprises, qu’elles soient coercitives ou, préférons le, incitatives. Liens: [1]: http://labs.hadopi.fr/wiki/quel-encadrement-juridique-pour-le-streaming (lien) [2]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2011/06/20110630-labs.png (image)