From bc1d70343807104ccf64b6bde9b2db54270203ff Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: neodarz Date: Fri, 10 Mar 2017 11:58:22 +0100 Subject: Initiale release --- Mmo__lusage_de_ceux_qui_veulent_avancer.txt | 525 ++++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 525 insertions(+) create mode 100644 Mmo__lusage_de_ceux_qui_veulent_avancer.txt (limited to 'Mmo__lusage_de_ceux_qui_veulent_avancer.txt') diff --git a/Mmo__lusage_de_ceux_qui_veulent_avancer.txt b/Mmo__lusage_de_ceux_qui_veulent_avancer.txt new file mode 100644 index 0000000..afa2f48 --- /dev/null +++ b/Mmo__lusage_de_ceux_qui_veulent_avancer.txt @@ -0,0 +1,525 @@ +Titre: Mémo à l’usage de ceux qui veulent avancer +Auteur: Bruno +Date: Wed 07 Dec 2016 22:47:46 +0100 +Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2016/12/07/memo-a-lusage-de-ceux-qui-veulent-avancer/ + +[Le présent article a été en grande partie écrit en avril 2016 et légèrement +retouché et actualisé en décembre] + +Après quatre ans à fréquenter des élus et fonctionnaires de ma nouvelle +campagne d’adoption, et plus généralement toute personne avec qui je me suis +entretenu à propos de numérique ou, plus généralement, de politique, la phrase +que j’ai dû entendre le plus, c’est « mais de toute façon, qu’est-ce qu’on peut +bien y faire ? » + +A propos d’un peu tout. De l’absence de connectivité fonctionnelle de façon +satisfaisante dans nos campagnes, d’usage de trucs dans le cloud quitte à +perdre toute notion de ce qu’est la vie privée voire intime, de dépenses de +fonds publics totalement idiotes, etc. + +Vous me voyez venir, je vais prendre mon cheval favori : le numérique, et je +vais en parler pour ce qui concerne une zone que je commence à connaître un peu +: l’Yonne. + +« Mais qu’est-ce qu’on peut bien y faire ? » + +Dans l’Yonne, il y a en gros deux grosses agglomérations, Sens et Auxerre, +représentant quelque 120000 habitants sur 720 kilomètres carrés quand le +département dans sa totalité en compte 342000 sur 7420 kilomètres carrés. On a +donc, à la grosse, 35% de la population qui habite sur 10% du territoire. + +Ces deux agglomérations ont bénéficié d’une « convention AMII ». Ça a l’air +plutôt sympathique, « ami ». Même quand on commence à lire ce qu’en dit la +presse, ça a l’air cool : « la fibre optique chez l’habitant tout payé par un +opérateur sans une once d’argent public ». On fonce donc inévitablement dans le +panneau, quand on est un élu, surtout quand on n’a pas lu les petites lignes et +l’explication de texte. + +Une petite ligne parmi d’autres + +Cette convention AMII concerne les particuliers. Exit les entreprises, exit les +hôpitaux, exit les choses qui, grosso modo, ont besoin de plus de débit que la +moyenne. « Pas grave » va-t-on nous répondre, « ceux-là peuvent souscrire des +offres entreprise ». Oui, 4000 euros de frais d’installation (quand on se +débrouille TRÈS BIEN) et entre 600 et 3000 euros par mois en fonction du débit +et des services voulus. + +Oui, on croit rêver. On pose donc légitimement la question « mais pourquoi +vais-je aller payer des milliers d’euros pour relier le local de mon entreprise +à un débit suffisant alors que dans le quartier d’à côté, chez moi, j’ai la +fibre pour 35 euros par mois avec deux ados qui doivent consommer 20 fois plus +de données que ma secrétaire ? ». Et là, on s’accroche bien à son fauteuil : « +parce que, Monsieur, C’EST PAS LA MÊME FIBRE ». Et vous savez le pire ? Ça +passe. Ces empaffés ont réussi à faire croire que ce n’était pas la même fibre. + +Eh ben si, en fait, c’est la même. Toute pareil que celle qui va aux domiciles +du quartier résidentiel. A quelques détails près : la « fibre entreprise » +n’est mutualisée qu’au niveau du NRO au lieu de l’être au PM (la belle affaire… +Vous ne savez pas ce que sont un NRO ou un PM ? En gros, de grosses armoires +dans lesquelles on branche plusieurs fils ensemble sur un autre fil. Des +multiprises réseau, quoi), et elle bénéficie généralement d’une garantie de +temps de rétablissement en cas de panne. + +« Aaahhh ouiiii, donc c’est quand même vachement mieux que le FTTH chez moi, +cette fibre entreprise ». Oui, si vous avez besoin d’une garantie de +rétablissement en 4h et d’un tuyau dédié jusqu’au central téléphonique. Mais au +fait, vous avez quoi aujourd’hui pour accéder à internet ? Ah, une livebox. Et +la dernière fois qu’elle est tombée en panne, ça a pris quoi ? 2 semaines pour +retrouver une connexion ? Ah, chiant .. Mais ça vous a empêché de bosser ? Non, +ben non, vous vous êtes débrouillés avec le voisin ou des clés 3G. Et vous avez +quoi comme débit ? 10 méga ? Et ça va ? Oui, ça met juste un peu de temps pour +envoyer un mail avec des pièces jointes mais on s’y fait. Ben oui. + +Donc en réalité, vous avez juste besoin d’une connexion plus performante, pas +énormément plus performante, juste un peu, allez, soyons fous, 20Mbps +symétriques… mais sinon, vous êtes content. Et vous n’allez sûrement pas +investir l’équivalent d’un SMIC mensuel pour vous payer une fibre, non, vous +êtes un brin plus intelligent, vous allez embaucher quelqu’un si vous avez des +sous devant vous. + +Explication de texte + +Quand un opérateur comme Orange ou SFR signe une convention AMII, il fait donc +croire à sa victime qu’il est son sauveur et qu’il va sur ses fonds propres +(grand prince, en plus) déployer un réseau tout beau tout neuf que les +électeurs ils vont être super contents. Promis, dans 5 ans, on a fini, et on +s’arrangera pour avoir fait le plus gros dans les endroits à problèmes, comme +ça, aux prochaines élections, vous aurez un bon argument pour être réélu. + +Et puis une fois signé, il se passe quoi ? Ben il se passe que des +agglomérations comme Sens et Auxerre sont déjà, à quelques exceptions notables +près, plutôt pas trop mal servies et que l’investissement sur fonds propres +promis par l’opérateur qui aménage le réseau FTTH ne concerne que l’horizontal +(les fibres sous le trottoir) mais ni le vertical (dans les immeubles) ni le +branchement des pavillons… qui sont à la charge de l’opérateur qui va vouloir +relier son client, donc, in finé, du client. Prix de ce petit luxe qui consiste +généralement à tirer quelques dizaines de mètres de fibre ? Entre 200 et 800 €. + +Évidemment, les opérateurs sont malins, ils n’annoncent pas des frais de mise +en service de ce genre là, non. Ils noient ce montant dans l’engagement. + +« Bonjour, vous avez déjà de l’ADSL qui pédale pas trop mal, mais c’est +hasbeen. Prenez la fibre, c’est QUE 45 € par mois avec un engagement 3 ans, +vous pourrez regarder 12 chaînes HD en même temps ! ». Alors, je m’engage 3 ans +avec un opérateur, je paie plus cher, mais en fait j’en ai pas besoin parce que +j’ai que deux yeux et que j’ai beau essayer, je peux pas regarder deux trucs +différents en même temps. + +Et du coup, que dit l’opérateur à la collectivité avec qui il a signé la +convention AMII ? « Euhh bon en fait on vend beaucoup moins que prévu, et comme +on comptait un peu dessus pour financer le reste du déploiement, ben il va +durer plus longtemps que prévu, mais vous pouvez rien y faire, c’est marqué +dans le contrat, article 156 alinéa 16876″. + +Tadaaaa. + +Cerise sur le gâteau + +L’opérateur qui a réussi à arracher une convention AMII aux grands pôles +urbains l’a mis bien profond au département et à la région concernés. Eh oui, +on dit qu’il a vitrifié la zone. Interdiction pour toute collectivité de venir +investir un centime sur la chasse gardée de l’opérateur en matière +d’aménagement numérique pendant la durée de la convention. + +Du coup, il se passe quoi ? Il se passe que les zones les plus peuplées (qui +sont moins chères à déployer, compte tenu de la densité de logements) sont +exclues de la péréquation que pourrait effectuer un département pour créer un +réseau d’initiative publique. Reste les zones moins densément peuplées qui +coûtent plus cher à couvrir en fibre. + +En résumé, la boite privée riche qui fait des bénéfices s’occupe de couvrir là +où ça coûte pas cher mais ou personne n’en a besoin, et le secteur public déjà +exsangue doit se démerder avec les zones qui coûtent cher mais ne le fait pas +et les laisse moisir faute de moyen. + +Bien joué, l’AMII. + +Bon, du coup, on fait quoi, nous, collectivité petite ou grosse ? + +On se demande comment faire pour régler le léger problème des campagnes +avoisinant ces centres urbains qu’un gros opérateur a phagocyté, vu qu’on peut +pas faire péter les conventions qui ont été signées. + +On va se renseigner là où les gens ont l’air de savoir ce qu’ils font, chez les +grands opérateurs. Une commune du coin a tenté de se démerder, téléphonant à +quelques opérateurs nationaux, disant « coucou, on voudrait créer un réseau +fibre sur notre commune, on paie, vous voulez bien venir y vendre vos offres. +Ils se sont fait rire au nez sur le thème : « Mais vous êtes ridicules. C’est +trop petit. On prendra même pas le train pour venir voir. Ça nous intéresse pas +». + +Il s’agissait, pour que les choses soient claires, que la ville finance et +construise un réseau pour que ces messieurs les opérateurs n’aient rien à +investir et puissent débarquer avec leurs offres pour les vendre aux gens. +Plutôt sympa, moi, je dirais. + +Bon, du coup, on pose la question : « à partir de combien ça vous semble +intéressant ? ». Là, on vérifie qu’on est bien assis, la ville a demandé : trop +petit. La communauté de commune a demandé : trop petit. Le département a +demandé : trop petit. Oui oui, ces gens là ne veulent discuter qu’avec un truc +à l’échelle régionale. + +Et comme ils ont embauché des lobbyistes doués, ils ont même réussi à faire +gober à l’état qu’il était nécessaire de freiner toute velléité locale de +construction de réseaux optiques en ne réservant les subventions état et Europe +qu’aux projets d’envergure régionale. Il faut le savoir, aujourd’hui, une +collectivité territoriale ne fait RIEN si il n’y a pas au moins un bout de +subvention qui vient de plus haut. Alors qu’elles pourraient souvent faire +quand même quelques trucs, mais c’est un autre débat. + +Bon ben, du coup, on va rien faire hein. Enfin, rien de concret. On va voter un +budget. Allez, 55 millions d’euros. Hop. L’Europe va en payer 12, l’état 18, le +département 14 et on va aller siphonner les 11 millions restants dans les +caisses de nos communautés de communes, elles referont leurs trottoirs ou leurs +terrains de foot plus tard. + +Bon. Et avec ces 55 millions on fait quoi ? + +On a tout bien écouté Orange, ils nous on dit que la fibre c’était au moins +2000 € par foyer compte tenu de notre densité de population mais que eux avait +une solution magique géniale qui coûte deux fois moins cher, et qui consiste à +rapprocher la fibre de chez l’habitant. Pas l’y amener, hein, la rapprocher. +Nom de code « Montée en débit », MeD ou PRM chez les initiés. + +Bon, je la fais courte pour ceux qui ne connaissent pas le principe de la +montée en débit : ça monte pas bien haut. + +Si l’ADSL ne marche pas ou pas bien à certains endroit, c’est parce que les +lignes de téléphones sont trop longues. Du coup, le principe de la PRM, c’est +de remplacer un bout de ces lignes de téléphones par une fibre optique (qui +souffre beaucoup moins de la baisse de qualité avec la distance) et, au bout, +de planter un mini central téléphonique sur lequel on viendra raccrocher les +lignes. Les lignes sont plus courtes, l’ADSL marche mieux. CQFD. + +En plus, ça « prépare l’arrivée de la fibre ». Pensez donc, ils enterrent 6 +paires de fibres pour relier un mini central téléphonique perdu dans la pampa +sur lequel il y a quelques dizaines de lignes. Et ils veulent nous faire croire +que 6 paires sont suffisantes pour proposer, plus tard, une offre FTTH digne de +ce nom ? Raté, il faudra changer le câble en question, ne serait-ce que parce +que l’ARCEP impose qu’il y ait une fibre par habitant qui arrive au point de +mutualisation le plus proche, que celui-ci doit couvrir au moins 300 logements +et que bon nombre d’opérations PRM actuellement en route portent sur des PM de +moins de 90 lignes. Donc en fait, ça ne prépare rien du tout. + +De toute façon, le gros du coût de déploiement de la fibre ne concerne pas +cette longue distance effectuée entre le central d’origine et le nouveau petit, +bien souvent faite en bordure de route facile à creuser, mais bien la mise en +service jusqu’à l’abonné où il faut se torturer l’esprit pour ne pas trop +ravager le devant de la maison pour y faire rentrer le nouveau câble. + +Mais s’il n’y avait que ça, on s’en contenterait. Là où il y a un hic, c’est +que cette fameuse offre PRM est : + + * Affreusement chère : en ce qui concerne l’Yonne, elle va concerner, ces + prochaines années, un peu moins de 19000 foyers pour un coût total d’un peu + moins de 22 millions d’euros. Quelque chose comme 1150 € par foyer + bénéficiant de l’augmentation de débit. + * Une subvention à Orange : il n’y a qu’eux qui peuvent la mettre en œuvre + puisqu’il s’agit de leur réseau. L’excuse typique étant « c’est faux, il y + a plusieurs entreprises qui proposent l’offre PRM cuivre, il y a donc libre + concurrence ! » oui, et qui, une fois la phase d’étude réalisée, + sous-traitent la réalisation du boulot à… Orange. + * Contre performante au possible : pour cette somme modique offerte à + l’opérateur historique, l’ADSL pourri ou inexistant d’aujourd’hui deviendra + un ADSL qui marche à peu près dans 2 à 6 ans, on « investit » donc de + l’argent pour garder à la traîne ceux qui y sont déjà. + +Pendant ce temps, vous continuez à payer directement ou indirectement +l’entretien du réseau téléphonique (qui n’est plus assuré qu’en cas d’extrême +urgence) sur vos factures mensuelles, et vous allez donc, en plus, payer, via +vos impôts, le fait de pouvoir continuer encore longtemps à financer cet +entretien inexistant. Heureusement que plus de la moitié sont payés par +l’Europe et l’état, hein, on se sent moins seuls. + +Bon, ça, c’est fait, un petit cadeau de 22 millions d’argent public à une boite +qui caracole en tête des plus gros bénéfices à la bourse de Paris. Admettons. +La consolation c’est que c’est encore l’état qui capte 13% de ces dividendes. +On n’a pas tout perdu. + +Bon, et les 33 millions qui restent, on en fait quoi ? + +On va quand même faire un peu de fibre, hein. Bon, on le fait où ? Bon, ce bled +là, celui là et celui là y sont de gauche, je les aime pas, donc pas chez eux. +Là bas, c’est trop paumé et Orange a dit que ça coûterait trop cher, donc on +n’ira pas. Bon, ben on va déployer dans les villes les plus peuplées en dehors +des deux zones AMII et uniquement si elles sont du même bord politique que +nous. Allez, c’est ficelé, on y va. + +Au fait, on fait comment la fibre ? Tu sais, toi, René ? Non. Francis non plus +? Bon… on va attendre que la région se bouge le fion pour nous pondre un truc, +tout seuls on n’y arrivera pas. + +Attend, on va quand même sortir un appel à projet pour les zones industrielles +histoire de faire croire qu’on se préoccupe de nos entreprises. Non, +t’inquiète, s’il y en a qui répondent on fera comme d’habitude : les morts. +Avec un peu de bol Orange ouvrira des offres fibre entreprise sur ces zones et +on pourra valablement retirer l’appel à projet avant que ça râle trop fort en +disant « ah ben non, à Bruxelles ils ont dit que quand le privé couvre, nous on +n’a plus le droit ». + +3 ans plus tard, la région, toute contente de se marier avec la Franche-Comté, +parvient à monter une Société Publique Locale pour piloter les déploiements +FTTH. Bon, en vrai, elle va aussi édicter les règles d’ingénierie et choisir un +délégataire privé qui sera chargé de se mettre dans la poche les 33 millions de +l’Yonne (et les millions des autres départements) pour construire un beau +réseau FTTH sur lequel ces messieurs « opérateurs d’envergure nationale » +viendront vous vendre leurs offres. + +« Gérer ça en propre ? Mais vous n’y pensez pas Geneviève, Orange a dit que +c’était compliqué, la fibre. Déjà qu’on n’est plus foutus de gérer nous-mêmes +les réseaux d’eau potable… » + +Petite consolation tout de même, les opérateurs qui vont venir vendre leur +service payeront (en principe) une dîme mensuelle pour chaque ligne qui +reviendra dans les caisses des départements. C’est donc un investissement, +contrairement à la montée en débit PRM qui est une subvention à fonds perdus. + +Espérons juste qu’au détour de l’appel à délégation de service public qui sera +passé, les deux ou trois candidats « sérieux » qui se présenteront n’imposeront +pas de clauses bien tordues (du genre « pour pouvoir jouer sur le réseau il +faut le cofinancer à hauteur de 25% ») leur permettant de s’arroger à eux seul +le droit d’exploiter le réseau public. L’avenir nous le dira. + +Bon, eh, Spyou, t’es sympa avec ton roman fleuve, mais tu nous as toujours pas +dit ce qu’on pouvait faire, là. + +C’est pas faux. Mais il fallait quand même bien que je vous brosse le tableau +avant de le barbouiller avec ma gouache. + +Deux ou trois autres détails, que vous ayez bien l’image en tête. + +Déployer un réseau fibre, c’est de la plomberie. Tout pareil que de l’eau ou +n’importe quel autre réseau déjà existant : il faut enterrer des tuyaux ou +planter des poteaux pour ensuite y mettre des câbles dans lesquels il y a de la +fibre. + +Petit point financier : + + * Un mètre de fibre, c’est entre une poignée de centime et 2 euro en fonction + de la quantité achetée et du nombre de fibres dans la gaine. + * Un mètre de fourreau pour mettre la fibre, c’est du même acabit. + * Un poteau, c’est quelque chose entre 50 et 100 euros. + * Un mètre de tranchée pour enterrer un fourreau, c’est entre 10 euros (dans + un champ) et 3 ou 400 euros (en ville où il faut faire attention aux autres + réseaux, reconstruire le marbre plaqué or du trottoir, etc.) + +Bilan de ce point financier : la fibre, ça coûte rien. Ce qui coûte, c’est de +faire des trous. + +Ça fait déjà un bon moment que toutes les collectivités le savent : quand on +fait un trou quelque part, on en profite, on met des fourreaux vides en trop +dedans, ça évitera d’avoir à creuser à nouveau, et dans le pire des cas, on +aura perdu quelques centimes, c’est pas bien grave. + +Alors qu’on m’explique pourquoi, pas plus tard que l’année dernière dans +l’Yonne, plus de 80km de tranchées ont été réalisées (pour celles dont j’ai eu +connaissance), dont certaines assez longues, sans qu’aucun fourreau vide n’ait +jamais été posé. + +Florilège : + + * « On savait pas comment faire donc on n’a rien fait » + * « Ça traversait plusieurs communes et il y en avait dans le tas qui ne + voulaient pas payer plus cher que le strict nécessaire donc on n’a rien + fait » + * « C’est une intervention faite par un gestionnaire de réseau privé, si on + voulait mettre des fourreaux vides, on aurait dû cofinancer les travaux + donc on n’a rien fait » + * « Quand on pose un type de réseau, on fait appel à une entreprise + spécialisée dans ce type de réseau. Si on lui demande de poser un autre + type en même temps, elle fait n’importe quoi et c’est la merde + intersidérale donc on n’a rien fait » + +Et vous demandez encore ce que vous pouvez faire ? + +J’ai d’autres idées, si profiter des trous qui sont faits pour préparer +l’avenir n’est pas à votre portée. + +Vous avez l’immense chance (des communes d’autres départements tueraient pour +l’avoir) de bénéficier de l’implantation, sur votre territoire, d’une +initiative locale, portée bénévolement par des gens motivés, qui ont les +compétences, le temps et l’envie de faire quelque chose. Ils ont, pour arriver +à leurs fins, créé une structure éminemment démocratique et totalement +transparente, tant financièrement que techniquement. Pourquoi persister à ne +pas les considérer, sans même parler de les soutenir, hein ? + +Ils sont mal fringués et leurs principes ont l’air vaguement communistes… ok… +j’ai d’autres idées, si soutenir les initiatives locales n’est pas de votre +goût. + +Une idée plus administrative, tiens. Se grouper pour faire pression. Il existe +des tas d’organisations regroupant de petites communes rurales. Il serait peut +être temps d’envoyer promener le diktat privé imposé par Bruxelles et faire +pression sur notre état pour qu’il oblige ceux qui en ont les moyens d’assurer +l’investissement nécessaire à la sortie du tiers monde numérique de nos +territoires. Pas en suggérant une nouvelle taxe qui retombe systématiquement +sur le nez des clients comme l’a proposé un de nos députés locaux, mais en +réévaluant par exemple la notion de service universel pour y inclure l’accès à +internet avec un débit minimal valable. + +Non ? Si faire bosser vos équipes sur un nouveau genre de projet qui a l’air un +peu révolutionnaire ça vous colle la frousse, j’ai encore une pochette surprise +dans ma besace. + +Pourquoi ne pas suivre les buts que vous vous êtes fixés quand vous avez +demandé à un cabinet de conseil d’écrire le schéma directeur d’aménagement +numérique à votre place ? Ils n’y ont pas mis QUE des âneries hein. Loin de là. +Il y a même une idée toute bête et qui, pourtant, n’a toujours pas été mise en +œuvre, bien qu’elle soit un des prérequis avant de pouvoir éventuellement +penser à faire de la fibre : recenser le génie civil disponible. Mettre des +outils de cartographie à disposition de toutes les structures administratives, +et pourquoi pas de l’ensemble de la population pour aller plus vite ? + +Maintenant, si même faire ce que vous aviez dit que vous feriez n’est pas +possible… je ne vois qu’une solution, continuez à chercher des papiers et des +chèques à signer en espérant que les choses se feront toutes seules. + +En parlant de chèques… Chaque année, les opérateurs paient une Redevance +d’Occupation du Domaine Public (RODP) aux collectivités dont ils occupent tout +ou partie de l’espace public, en souterrain ou en aérien. Vous êtes-vous un +jour demandé d’où sortait le montant en bas de la feuille ? Je serais vous, je +creuserais le sujet. Sachez que si vous trouvez une bourde dans le calcul, vous +pouvez demander le complément de façon rétroactive sur 5 ans. Allez, je vous +aide, c’est Orange qui vous donne le chiffre, et en dehors d’aller recenser le +réseau physiquement dans votre commune, vous n’avez aucun moyen de vérifier sa +validité. Action. + +Moi, je vais continuer chaque semaine à connecter 2 à 10 personnes au réseau de +SCANI, ça va être long, on sera toujours une bande de gnioufs bizarres qui font +pas du vrai internet, mais à la fin, quand on comptera les points, nous, on +saura ce qu’on aura fait pour le département. + +Je m’énerve pas, Madeleine, j’explique. + +Le truc qu’on fait chez SCANI est assez simple à comprendre. On prend de +l’internet où il marche et on l’emmène là où il ne marche pas. On ne pirate pas +un opérateur quelconque, nous SOMMES opérateur. N’en déplaise à certains, « +être opérateur », ça se résume à cocher quelques cases sur le formulaire du +site de l’ARCEP et de cliquer sur « envoyer ». + +Comme on a avec nous quelques personnes du métier qui sont tombés dedans quand +ils étaient petits, on arrive à obtenir les meilleurs prix pour les services +qui sont utiles et on sait faire tomber en marche ces objets bizarres portants +des noms qui font peur : « routeur, switch, lns, serveur dns… » + +Et ensuite, on y va petit à petit. Pas de grande folie, pas de couverture +totale de tel village, pas d’investissements colossaux. Non, on a commencé avec +Pclight par un investissement en matériel de 500 € et un coût mensuel récurrent +à payer de 60 €. C’était début 2013, moment où les premiers adhérents ont été +reliés à des connexions proposant un débit descendant de 12Mbps et un débit +montant de 1Mbps. Du simple ADSL, en fait. + +Le schéma technique est compréhensible par n’importe qui : une ligne ADSL, un +bête câble réseau, une antenne wifi au bout, accrochée à la cheminée, la même +en face plus loin, et un ordinateur au bout du câble. + +C’est ce qu’on fait depuis 4 ans : mettre des antennes wifi en face les unes +des autres pour amener des connexions internet dans la campagne. + +Avec un travail 100% bénévole, en dehors des prestations dangereuses réalisées +par des antennistes professionnels, on en est rendus à 370 connexions finales +actives et un peu plus de 700 antennes installées. Du coup, le budget de 60 € +par mois a un peu grossi, le récurrent mensuel qui rentre, une fois la TVA +déduite, est d’environ 8000 € qui permettent aujourd’hui de financer : + + * Trois arrivées de « fibre optique entreprise », les mêmes que celles + décrites plus haut, qui ont coûté fort cher à l’installation mais qu’on a + pu offrir aux adhérents avec leur argent mis en commun dans la coopérative. + * Un cœur de réseau parisien composé de quatre routeurs servant à accueillir + d’une part l’arrivée de ces fibres optiques et des liens ADSL et VDSL que + nous utilisons sur certaines portions isolées du réseau, et d’autre part + les interconnexions avec 300 autres opérateurs de toutes tailles avec qui + nous échangeons le trafic des adhérents. + * L’achat de matériel et de prestations pour continuer à déployer le réseau + et l’améliorer. + +Le modèle économique est idéal : plus il y a de personnes reliées, plus le +budget mensuel augmente, plus on peut augmenter les débits disponibles en en +faisant profiter tout le monde. Certains bénéficient aujourd’hui d’un débit de +60 méga, toujours pour 30 € TTC par mois. + +L’objectif à court terme est de commencer à creuser nous mêmes ces fichus trous +pour y mettre de la fibre optique. Même si certains douteront toujours, l’union +fait la force, et nos agriculteurs ont tout le matériel nécessaire pour faire +des trous. Avec ce principe de fonctionnement, une coopérative anglaise arrive +à un investissement tout compris (fibre, génie civil, matériel actif, +déploiement chez les gens, connectivité vers internet) de 1200 € par habitation +connectée avec un débit disponible de 1000Mbps pour chacun. + +Concernant le travail déjà réalisé avec le wifi sur notre réseau, il n’est pas +condamné, puisque la fibre viendra en remplacement des liens wifi les plus +chargés pour les rendre plus fiables et performants et que les antennes +pourront être réinstallées pour étendre encore le réseau plus loin, voir, +pourquoi pas, les céder à d’autres initiatives ailleurs. + +A plus long terme, il s’agit de créer des emplois qualifiés et non +délocalisables autour d’un projet économique, social et solidaire. + +La totalité des données financières sont accessibles en temps réel aux +adhérents, tous les outils et méthodes de travail sont publics et l’ensemble +des actions menées sont ouvertes à qui veut bien se donner la peine de venir à +notre rencontre. + +En bref, soutenir nos actions présente un risque : celui qu’on aille plus vite, +plus fort et plus loin. C’est promis, on ne se moquera pas de celles et ceux +qui pourraient venir en nous disant « bon, ok, au temps pour moi, c’est un vrai +projet que vous avez, comment on avance ensemble maintenant ? ». + +Eh, t’es bien mignon avec ton association de Trotskystes là… on peut pas baser +la stratégie numérique d’un département là dessus. + +C’est assez délirant comme idée, je le reconnais. + +D’ailleurs, une petite ligne sur les associations en question. Depuis fin 2012, +Pclight sonnait tantôt comme une douce musique (aux oreilles de certains, +délaissés des sphères numériques, qui voient là une bonne opportunité de s’en +sortir), tantôt comme une rengaine plutôt enquiquinante (pour d’autres, +habitués à des fonctionnements plus institutionnels). C’était un brin voulu. En +plus de faire du réseau, on est également une belle bande d’agitateurs qui +aimons coller de grands coups de pieds dans la fourmilière. Pas super sympa, +mais nécessaire. + +Certains ont pu se demander ce qui se passait avec cette histoire de Pclight & +SCANI. Sans rentrer trop dans les détails, des divergences de point de vue +concernant entre autre la gouvernance et la taille des projets a mené à une +séparation en deux structures. Ça a probablement été fort mal géré, mais +passons, le temps a fait son œuvre et les deux structures envisagent à présent +des actions communes. + +L’idée n’est pas d’avoir à faire un choix entre blanc ou noir, entre +conservateur et 68’tards, entre bien et mal, entre capitaliste et communiste, +entre gros ou petits mais bien de saisir les opportunités pertinentes au moment +où elles se présentent avec un seul et unique objectif : le bien commun. + +C’est ronflant comme objectif, même un poil arrogant, OK. Mais c’est comme ça, +faudra vivre avec. + +Et si on arrive à bosser en bonne intelligence avec le reste des opérateurs, +les élus, les autres associations, les habitants, les coopératives, les +entreprises, la région, l’état, etc. qui sait où on ira ? + +Super, tu m’as convaincu. Je suis élu, je fais quoi ? + +Bon, déjà, tu retournes en haut de la page et tu vas lire une seconde fois. + +Ensuite, SCANI est une coopérative. Pour un élu, ça veut donc dire deux choses +: + + * tu peux venir à notre rencontre et même, avec un peu de bol, nous demander + de venir te voir (par mail, de préférence), pour t’expliquer les points que + tu n’as pas compris et discuter de ce que la collectivité que tu + représentes peut apporter au projet (délégation de personnel, mise à + disposition de points hauts, prêts d’engins…) + * tu peux aussi soutenir l’activité de la coopérative en investissant au + capital. Ça passe par une délibération et il faut, ensemble, veiller à ce + que l’investissement public ne dépasse pas l’investissement privé et à la + façon dont le capital investi sera utilisé par SCANI, mais c’est un bon + moyen de dépenser l’argent de tes électeurs puisque tu ne le dépenseras pas + : il reviendra dans les caisses communes lorsque ce à quoi il aura servi + aura été rentabilisé (à supposer qu’on ne se plante pas, bien entendu …). + Tu trouveras un peu de littérature en cliquant ici[1]. + +Au boulot maintenant ! + +Liens: +[1]: http://rtes.fr/IMG/pdf/Reperes_SCIC_Pages.pdf (lien) -- cgit v1.2.1