From bc1d70343807104ccf64b6bde9b2db54270203ff Mon Sep 17 00:00:00 2001 From: neodarz Date: Fri, 10 Mar 2017 11:58:22 +0100 Subject: Initiale release --- Cest_dur_le_coopratif_hein_.txt | 204 ++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++ 1 file changed, 204 insertions(+) create mode 100644 Cest_dur_le_coopratif_hein_.txt (limited to 'Cest_dur_le_coopratif_hein_.txt') diff --git a/Cest_dur_le_coopratif_hein_.txt b/Cest_dur_le_coopratif_hein_.txt new file mode 100644 index 0000000..4c51153 --- /dev/null +++ b/Cest_dur_le_coopratif_hein_.txt @@ -0,0 +1,204 @@ +Titre: C’est dur, le coopératif, hein ? +Auteur: Bruno +Date: Thu 19 Jan 2017 12:40:31 +0100 +Lien: https://blog.spyou.org/wordpress-mu/2017/01/19/cest-dur-le-cooperatif-hein/ + +Ce billet est inspiré (entre autre) des multiples occasions que j’ai eu de +constater les difficultés qu’on a globalement à travailler ensemble et un peu +aussi de la prose de Benjamin[1] et celle de PH[2]. Il a été musicalement +accompagné de Keny Arkana – Effort de Paix, Kery James – Racailles, Alan Walker +– Fade, Brav – Post Scriptum – Bonus et Sick Puppies – All The Same. + ------------------------------------------------------------------------------ +[image 4][4] + +Photo de Stephen Bowler + +Au commencement … + +C’était mieux avant. Dans le monde auquel on ma préparé dans mon enfance, il y +avait les gentils travailleurs un peu benêts, les flemmards de fonctionnaires +mais qui bossaient un peu quand même, les méchants patrons qui exploitaient les +gentils travailleurs mais bon c’est comme ça et les vilains élus qui pressaient +le citron de tout ce beau monde pour s’en mettre plein les poches mais qu’on +savait pas trop comment faire sans eux. + +Tout naturellement, après m’être fait bourrer le crâne par des fonctionnaires à +l’école et avoir regardé de loin les élus en me disant « pfouuu ça a l’air +chiant », je suis allé, comme un gentil benêt, bosser pour un méchant patron. + +J’ai eu du bol (ou pas), je suis tombé sur l’archétype du patron, arnaqueur +avec ses clients et méchants avec ses employés… donc ça n’a pas duré longtemps, +et assez vite (9 mois) j’ai senti que ça n’allait pas pouvoir se jouer comme ça +et que je n’étais pas à ma place. Pas qu’il fallait que je passe de la case +travailleur benêt à celle de patron méchant, mais que ces 4 cases que je +m’étais construit à la mesure de ce que j’avais perçu du monde n’étaient pas +les bonnes. + +Donc j’ai monté une boite. Ça m’a valu de ne plus (ou moins) fréquenter pas mal +d’amis à l’époque (qui aujourd’hui ont à peu près tous monté des boites). +J’étais devenu le vilain capitaliste qui voulait profiter du gentil +travailleur. Petit détail, je n’ai jamais embauché personne en tant que patron. +Pas par manque de moyen, un peu par peur d’échec, mais surtout parce que je ne +me voyais pas demander la même implication à une personne salariée qu’à tout +ceux avec qui j’avais bossé jusque là qui étaient aussi actionnaires et +décideurs. + +Truth is out there… + +Une dizaine d’année après avoir bossé comme un chien 7j/7 et 18h/24, j’avais +quand même trouvé le temps de tomber par hasard sur la femme de ma vie sur +l’IRC et nous avons eu l’idée saugrenue de faire un môme (full disclosure : ils +sont 4 maintenant). Tous ces arriérés de vieux disaient « tu vas voir, ça +change la vie »… « ouais, c’est ça tantine, ça change la vie… même pas peur ». +Eh ben tantine avait raison, mais je pensais pas que ça se passerait comme ça. + +J’ai du mal à savoir dans quel ordre c’est venu, mais je me suis intéressé à +peu près en même temps à ce que j’allais bien pouvoir faire de ma vie et à ce +que serait celle de mes enfants. Leur montrer un modèle de papa businessman +pendant que maman change des couches ? Brrrr… mais vu que je suis pas doué pour +les couches, en tout cas beaucoup moins que pour le ménage, et que je sais que +je n’aurais pas la patience qu’elle a depuis 10 ans de rester 24×7 avec nos +enfants, je tente de construire un modèle différent, celui qui me semble le +moins pire pour leur avenir. + +I had a dream… + +Dans mon rêve, tout le monde il est moche (parce que « beau » ça fait trop +cliché) et tout le monde il est gentil. Je suis un bisounours, parfaitement +madame ! + +J’ai donc honteusement profité de la gentillesse de mes camarades de jeu de ma +vie professionnelle pour prendre du temps pour esquisser ce monde dans lequel +j’aimerais que mes enfants vivent. Bon, je ne me sens pas trop coupable, ayant +la nette impression d’avoir tout de même fait beaucoup avant et jouant toujours +mon rôle de gestionnaire/comptable/commercial/négociateur, mais je leur dois +beaucoup et j’espère qu’ils le savent. Ça dure en gros depuis 2011 et ça s’est +pas mal accentué depuis 2015. + +Je sais pas si c’est encore un mystère pour certains, mais je fais de +l’internet coopératif. Je suis censé coordonner techniquement la fédération FDN[5] +, j’ai co-fondé un obscur truc[6] qui a vocation à gérer un réseau national de +transmission en fibre, et je suis le GNUru d’un fournisseur d’accès coopératif[7] +dans l’Yonne, le département qui m’a accueilli après mes grosses déceptions en +Picardie suite à notre départ de l’Ile de France qui ne collait pas à l’idée +qu’on se faisait de l’avenir pour nos enfants. + +Dans mon rêve, les gens qui se rendent compte que les grands vilains +capitalistes mangeurs de temps de cerveau (ceux dont PH parle dans son article, +entre autre) ne feront rien pour eux, pas plus pour leur alimentation ou leur +cadre de vie que pour la qualité de leur connexion internet, ils se retroussent +les manches pour bosser avec leur voisin, même s’ils trouvent que, par +ailleurs, leur voisin est un gros con parce qu’il emmène ses enfants au McDo ou +qu’il vote Mélenchon. + +Comme moi,ce qui me botte, ce sont les réseaux, j’ai retroussé mes manches pour +bosser avec les premiers abrutis qui ont bien voulu de moi (eux aussi, j’espère +qu’il savent que je leur dois beaucoup) pour qu’ensemble on monte un bidule +étrange que personne ne comprend vraiment mais qui fait le boulot : on amène +des connexions internet qui (le plus souvent) fonctionnent du feu de dieu et +ouvrent un peu plus de possibilités à des familles qui, avant, n’avaient rien +ou pas grand chose. + +Ça les aide pas à boucler le mois, ça permettra probablement pas à leurs mômes +de faire médecine, mais c’est ma part de contribution à la vie de la Cité, et +c’est la seule, vu que je suis un vilain anarchiste non inscrit sur les listes +électorales qui ne fait donc pas son « devoir de citoyen ». + +Nous partîmes 3000 et par je ne sais pas quelle emmerde, on s’est retrouvés 4 +une fois arrivés au port… + +J’ai toujours imaginé, dans ma bulle de bisounours, que quand des gens se +réunissent autour d’un projet étrange et qui tranche avec les habitudes +générales, ce sont nécessairement des gens qui ont compris quelque chose et qui +savent que pour avancer, il faut faire des concessions, faire preuve d’empathie +et, globalement, avoir une bienveillance générale envers le monde autour de +soi. + +Quand on se lance dans un projet coopératif, le principe de base est de mettre +en route un premier morceau de quelque chose, puis d’expliquer aux gens comment +faire pareil. Après 4 ans de développement, on est encore loin de la cible, +beaucoup trop de choses sont encore centralisées, mais on avance doucement et +sûrement. Autour de ces difficultés concrètes, tout le monde rame dans le même +sens et on avance. + +Eh ben non, raté. J’ai la très ferme impression que tout le monde regorge +d’énergie mais a du mal à la canaliser et l’utilise souvent à chercher la +petite bête, le danger, le risque, la merde, quoi. Non pas qu’une personne qui +défend des principes (les militants dont parle Benjamin dans son article) a +nécessairement tort, loin de là, ils ont même très souvent des idées qui valent +le coup d’être mises en œuvre. Non plus que d’autres qui arriveraient avec des +idées totalement à contre courant réussiraient à tout foutre en l’air, non, du +tout. Mais chaque année, depuis 10 ans, je constate qu’une bonne part des +projets coopératifs auxquels je participe partent en vrille. + +Pour plein de raisons hein, toutes plus ou moins bonnes, mais il y a toujours +un point commun : les acteurs de ces projets qui se sont vus pendant un temps +pour le démarrer finissent par se fréquenter un peu moins, chacun pris dans ses +activités, ses problèmes personnels, ses envies… et ça fini inévitablement par +des jalousies, des suspicions, des paroles écrasantes et des banalités à faire +blêmir. + +Et si… + +Si on s’obligeait à la bienveillance ? Si on considérait que les projets +coopératifs dans lesquels on s’agite ont été co-construits de telle manière +qu’ils ne puissent être détournés de l’objectif primaire : le bien commun ? Si +on admettait que l’autre, quels que soient les travers qu’il traîne dans ses +casseroles, n’est pas un 1 ou un 0, qu’il n’est pas méchant ou gentil ? Qu’on +peut regarder la télévision et en parler sans pour autant être adepte du +siphonnage de temps de cerveau ? Qu’on peut œuvrer pour le bien commun même si, +par ailleurs, une partie de nos actions disent le contraire ?  Qu’on peut être +viandar et laisser vivre les vegan en paix, voir apprécier ce qu’ils savent +produire côté culinaire ? Qu’on peut militer pour le logiciel et le matériel +libre tout en ayant pris l’habitude de bosser avec un Mac ou sous Windows ? + +En bref, qu’on peut avoir des mots ou actions qui ne vont pas dans le sens du +collectif sans pour autant être inutile ou nuisible à ce collectif ? Et que +même, avec le temps, on évoluera et on mettra en adéquation nos actions avec +les idées collectives parce qu’on les aura pratiquées et qu’on trouvera ça +bien… mais qu’on s’interdira à son tour de mettre le nez de l’autre dans le mur +au motif que lui n’a pas (encore ?) évolué dans ce sens ? En contrepartie, +l’autre qui sentira poindre quelque chose qu’il aimerait bien, par facilité, +qualifier d’intégrisme, devra probablement accepter la critique, même mal +formulée, et s’en servir (ou pas) pour continuer à avancer. + +Je suis le premier à trouver ça chiant de devoir se relire avant d’envoyer +quelque chose (surtout que je dois le faire déjà 3 fois pour l’orthographe et +la syntaxe), mais force est de constater que ça reste important, au moins dans +le début des relations entre personnes qui se connaissent pas ou peu. + +L’autre solution, c’est d’avoir un patron qui décide à notre place et qui fait +chier. Choisis ton camp, camarade. + +Donner le temps en au temps… + +Vous l’aurez probablement compris, je suis actuellement spectateur (voir un +brin acteur) de quelques prises de choux… mais je suis confiant dans l’avenir, +2016 m’ayant prouvé que des personnes ayant quasi juré de s’étriper à l’été +2015 ont été capables, toutes seules comme des grandes, de se parler, de se +comprendre et de bosser intelligemment ensemble (je suis fier de vous, mes +lapins !), je me dis donc que tout n’est pas perdu, et puis on sent bien que, +parfois, faut foutre un grand coup de pied pour que ça reparte, et finalement, +je me dis que les bordels dans les trucs difformes inhabituels, ben c’est la +vie, que ça va avec, et qu’il faut en passer par là pour continuer. + +Mea culpa… + +Oui parce que bon, j’me pose un peu en grand synthétiseur quand même… mais j’ai +pas la science infuse et j’ai aussi ma grosse part de responsabilité, notamment +dans la centralisation dont je parlais plus haut. J’ai donc (une fois n’est pas +coutume) pris la bonne résolution de 2017 : me décentraliser (les adultes y +disent « déléguer »). J’essaierai de vous faire un point d’étape prochainement +:) + +Je reste donc un gamin qui croit au père Noël et si t’essaies de me faire +changer d’avis, t’ar ta gueule à la récré ! + +Liens: +[1]: http://edgard.fdn.fr/blog/index.php?post/2016/11/03/Amilitants (lien) +[2]: https://gazette-ln.info/?p=212 (lien) +[3]: https://www.flickr.com/photos/50826080@N00/9408198891/ (lien) +[4]: http://blog.spyou.org/wordpress-mu/files/2017/01/9408198891_e9be67cb79_z-300x204.jpg (image) +[5]: http://www.ffdn.org/ (lien) +[6]: http://www.opdop.net/ (lien) +[7]: http://www.scani.fr/ (lien) -- cgit v1.2.1